samedi 14 mars 2020

Ave Maria

J'ai une fascination pour la dévotion émouvante de la France à la Vierge.

Je regardais récemment un très beau manuscrit du XIVème qui présente une version ancienne de l'Ave Maria, qu'on n'appelait pas encore comme ca à l'époque :


Noter d'ailleurs que la deuxième partie de la prière, sur l'heure de notre mort, n'a pas encore été ajoutée.

A ce propos, tout le délire à propos de la virginité de Marie (ante mais aussi post partum ...) est parti d'une erreur dans la Septante (en grec) dont Saint Jérôme, au IVème siècle, n'a pas su corriger le contresens dans sa Vulgate (en latin).
Il aurait dû revenir simplement à la Torah, qui a fourni la citation explicite de départ (Isaïe Chap 7,14) :


« Dieu vous donnera lui-même un signe : Voici que la jeune femme עלמה  "Almah" est devenue enceinte, et va enfanter un fils qu’elle appellera Emmanuel ».


"Almah" עלמה en hébreu biblique signifie jeune femme, au sens social de "non mariée encore", sans présumer aucunement de son état de virginité … On retrouve ce mot עלמה  ou au pluriel עלמות, à plusieurs endroits dans le Torah, par exemple dans la Genèse (Chap 24,43), à propos de Rivka :
«que la jeune fille עלמה qui sortira pour puiser de l’eau et à qui je dirai : laisse-moi boire un peu d’eau de ta cruche et qui me répondra… »
Ou dans le ChirHaChirim (Chap 6,8) où il est dit :
« il y a  60 reines, 80 concubines et des jeunes filles עלמות "Alamot" innombrables, mais unique est ma colombe, ma parfaite».


Car dans la traduction de la Septante, le mot retenu pour traduire עלמה  a été "parthénos" c’est-à-dire spécifiquement vierge. Et c'est ce mot que Jérome a repris en "virgo" dans sa Vulgate ...

Et dans les Evangiles (qui sont antérieurs dans leur rédaction initiale hébraïque datée des années 40 à 90, mais qui n'ont été conservés qu'en Grec et dans la traduction latine de Jerome) Mathieu par exemple, au Chap 1,23 applique la prophétie d’Isaïe à la naissance de Jésus :

« La Vierge (virgo) sera enceinte, elle mettra au monde un fils et on l’appellera Emmanuel, ce qui signifie 'Dieu avec nous'»

Noter d'ailleurs que la glose "ce qui signifie 'Dieu avec nous'" prouve, in absentia, que le texte a été rédigé initialement en hébreu, puis traduit en grec, avec ajout de la glose pour une population non hébraïsante.
Et noter aussi que sa traduction en allemand "Gott mit uns" aura un certain succès dans un lointain futur ...


Si le rédacteur d’Isaïe avait voulu insister sur la virginité de la jeune femme enceinte, il n’aurait certainement pas utilisé le mot "Almah", sachant que l'adjectif "vierge" spécifique existe en hébreu : בתולה "Bétoulah".