mercredi 8 avril 2020

Corona 14/x : Je n'ai pas envie d'applaudir les soignants

Je suis désolé, ce n'est pas très diplomatique de dire ca ...

Mais c'est quand même ce que je ressens, je me sens mal à l'aise de dire merci avec des battements saccadés de mes mains : Un peu comme des spectateurs, au balcon d'un théâtre, qui applaudiraient la belle tirade de l'acteur principal de la pièce dramatique, qui se donne en bas, sous leurs yeux.


Parce que fondamentalement, je les envie ces soignants : Dans leur métier, la question de l'utilité, de la valeur sociale et sociétale de leur travail ne se pose vraiment pas.
Combien de citadins aux balcons ont cette même certitude, concernant leur propre métier ? Combien d'assureurs, combien de pétroliers, combien de traders, combien de consultants ?


Il n'en demeure pas moins que les soignants doivent être remerciés quand même, mais pour une raison plus "sournoise" en un sens : Ils doivent être remerciés pour ne pas s'être arrêtés, au moment où la vague a frappé, en disant "Je vous ai assez prévenu, Français, vous nous avez assez maltraités, maintenant nous baissons les bras".

Et ne pas baisser les bras devant la vague, ce n'était pas gagné d'avance, au vu du niveau d'épuisement moral, physique et systémique du système de santé.

Et c'était même très risqué finalement, puisque ne pas baisser les bras revient pour ces soignants implicitement à admettre, que si ils arrivaient à gérer cette nouvelle vague, après tout, c'est bien qu'ils ont encore assez de moyens, malgré toutes les restrictions, et malgré toutes leurs récriminations.


Cette décision a été prise par les soignants en pleine conscience des valeurs sociale et sociétale de leur métier, et des responsabilités que cela fait peser sur leurs épaules.

Et donc affronter la vague malgré tout, c'est se donner tort à soi-même, et donner raison ipso facto aux politiques qui ont estimé que le budget de la santé pouvait encore être réduit cette année encore, tel stock stratégique éliminé, le personnel un peu plus comprimé encore une fois.


Alors aujourd'hui, je n'ai pas envie de battre des mains en rythme pour faire travailler ces acteurs des fonctions régaliennes de la France, dans des conditions dantesques, jusqu'à ce que ce danger immédiat soit écarté, pour pouvoir ensuite reprendre la politique comme avant, le business as usual.


Que ce ne soit pas fait sans réfléchir sérieusement aux conditions nécessaires pour que demain, je n'aie plus à battre des mains en rythme pour me donner l'impression que c'est moi qui fais fonctionner les poumons et les cœurs vitaux de la nation.