Monsieur le président de la République,
Missak Manouchian, héros français porteur de tous nos idéaux, doit rejoindre ses frères et ses sœurs de lutte au Panthéon.
Le 21 février 1944, vingt-deux membres du «Groupe Manouchian», FTP-MOI de la région parisienne, étaient fusillés au Mont-Valérien par l’occupant nazi.
La seule femme du procès de l’Affiche rouge, Olga Bancic, fut guillotinée, le 10 mai de la même année, à la prison de Stuttgart.
Il y a 78 ans mouraient donc, pour la France, pour la République, en «Français de cœur», en «Français par le sang versé», en Français par l’héroïsme et le mérite, ceux qui avaient été arrêtés par les Brigades spéciales de la préfecture de police et remis aux Allemands. Ces derniers tentèrent de les couvrir d’infamie en les réunissant sur «l’Affiche rouge» qui, au contraire, fit d’eux aux yeux des Français, des héros.
Qui mieux qu’un poète pouvait en rendre compte ?
C’était en 1955 que Aragon écrivit Strophes pour se souvenir au moment où l’on inaugurait la rue du Groupe Manouchian, dans le XXe arrondissement de Paris :
Reproduction de "l'Affiche rouge" qui fut placardée dans les principales villes de France sous l'occupation par les services de la propagande allemande. Elle présentait les portraits des 10 résistants parmi les 23 qui allaient être fusillés, au Mont-Valérien le 21 février 1944. (AFP)
L’amour de la France républicaine
Missak Manouchian, leur chef, engagé volontaire en 1939 mais tenu éloigné des combats parce qu’on se méfiait de lui, entra en Résistance dès 1941. Rescapé du génocide des Arméniens de 1915, alors qu’il avait 9 ans, accueilli, déjà, par la France, puissance mandataire au Liban, dès la fin de la Première Guerre mondiale, il immigra en France en 1925, à l’âge de 19 ans. Dès lors, la vie de cet homme debout se confondra avec le soutien aux Arméniens dévastés par le génocide, la lutte antifasciste et l’amour de la France républicaine. C’est pour elle, en le proclamant, en l’affirmant, qu’il mourra «en soldat régulier de l’armée de Libération» de ce qui était devenu son pays, sans que jamais il ne confondît le régime collaborateur de celui qui était encore le maréchal Pétain et la France née des Lumières, dont les idéaux de liberté, d’égalité et de fraternité étaient ses phares.
Auprès de Geneviève Anthonioz-De Gaulle, de Pierre Brossolette, de Germaine Tillion, de Jean Zay et désormais de Joséphine Baker, Missak Manouchian doit trouver sa place au Panthéon, pour avoir été l’un des plus beaux exemples de sacrifice, d’héroïsme, d’amour de la France, terre de liberté et d’espoir. Pour y être le premier de tous ces torturés et fusillés du Mont-Valérien dont étonnamment aucun ne dort pour l’éternité en haut de la montagne Sainte-Geneviève, dont ces «vingt et trois étrangers et nos frères pourtant».
Pour rappeler que la République française n’est elle-même que lorsque tous ses enfants la servent.
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