Je ne dis cela ni par fierté, ni par dépit d’ailleurs, mais je me sais Parisien.
Je me sais parisien quand je frissonne au vent coulis de Janvier qui s’engouffre sous la veste, et qui faisait déjà frissonner mon grand-père et ma grand-mère les rares fois où ils ont marché aux Tuileries.
Je me sais Parisien car il m’est souvent donné de traverser la Seine qui dort encore, à l’aube en Mars, pour attraper un train à la Gare du Nord, et je bénis chaque fois l’Eternel pour le soleil ras la Seine qui ne tente même pas de sécher les pavés glissants du Pont Royal.
Je me sais Parisien, car je n’ai besoin que d’un appareil photo en noir et gris pour photographier ma ville même en Mai. D’ailleurs je n’aime d’elle que ses nuances de gris. Celle du ciel de plomb, même au printemps, par-dessus les toits de zinc, que l’on comprend tristes à Novembre, moins quand même le cagnard de Juillet peine à les bleuir. Et je ne tolère de noir que le merle sur le toit et les grilles du Palais de l’Italienne.
Je me sais Parisien pour ces hommes et ces femmes que l’on a alignés au Père Lachaise, au temps des cerises, parce qu’ils avaient de la poudre sur les mains.
Je me sais Parisien car j’aime à marcher pensivement sur les ossements des millions de ceux qui m’ont précédés, dont on a jeté les crânes et les tibias dans des catacombes creusées pour élever par-dessus toutes sortes de mausolées calmes.
Je me sais Parisien pour cette immense contraction des avanies et des gloires de l’histoire de France à chaque carrefour, à chaque seuil, à chaque fontaine de cour.