Bruno Rejony, un collègue, un père, un « mec en or ».
Le suicide de Bruno Rejony, cheminot « expérimenté » de 52 ans, le soir du réveillon de Noël a suscité l’émotion de ses collègues de la SNCF, des membres de la CGT où il était engagé et bien évidemment de ses proches.
Alors que son train parti de Paris roulait à pleine vitesse vers Saint-Etienne le 24 décembre en fin de journée, le conducteur a sauté de sa cabine, vers 20 heures, en Seine-et-Marne, au niveau de la commune de Crisenoy. Quelques heures plus tard, peu avant minuit, il était retrouvé mort sur les rails par les secours.
Noter que Bruno Rejony savait que les passagers de son TGV ne seraient à aucun moment mis à risque, en raison des procédures d'urgence immédiates de la SNCF, qui arrêtent un train devenu fou en toute sécurité.
Pour la première fois en Creuse, ces agriculteurs ont fait le choix de "dédrainer" leurs prairies pour leur redonner vie
Désormais très réglementé, le drainage répondait, il y a 40 ans, à une problématique aujourd’hui balayée par d’autres, imposées notamment par le changement climatique.
Dédrainage. Le mot n’existe pas dans le dictionnaire, c’est dire comme il vient bousculer les habitudes. Notamment à Clugnat, au lieu-dit La Barre, où se creuse « un projet jamais vu » sans doute à l’échelle du Limousin. Julien Jemin, chargé de mission du Conservatoire d’espaces naturels de Nouvelle-Aquitaine, confirme que « sur des parcelles agricoles », c’est une première en Creuse. Si cela s’est déjà vu sur des zones comme des tourbières, délaissées par l’agriculture et rendues à un fonctionnement naturel, « on est vraiment ici sur une volonté de dédrainage d’une prairie agricole qui restera à vocation agricole », dévolue au pâturage et à la fauche.
Des prairies asséchées et appauvries
Largement déployé dans les années 1970-1990, le drainage a permis d’assécher des parcelles hydromorphes et zones humides par rapport à un besoin de production et à un type d’agriculture. « Et aujourd’hui, on se rend compte que ça a eu un impact sur les prairies », explique l’écologue, attaché au Contrat territorial Petite Creuse.
Tom Vierhout, propriétaire des lieux, a pu le mesurer. Quand il a acheté ces parcelles en 1988 pour s’installer en élevage laitier, elles étaient parcourues de drains installés par son prédécesseur quelques années plus tôt. Botaniste amateur, il a réalisé au fil des années un inventaire de toutes les espèces présentes. « Cette parcelle, les 20, 25 premières années, c’était très, très humide. C’était plein de joncs. Il y avait des orchidées, des œnanthes, se rappelle l’éleveur. Après, ça a commencé à sécher. »
À cet assèchement mécanique provoqué par le drainage s’est ajoutée l’action du changement climatique. Et peu à peu, dans ces prairies, il a observé une végétation devenue « un peu plus simple », avec « moins de diversité ». En parcourant les parcelles, on trouve quelques résidus de zones qui demeurent gorgées d’eau malgré le drainage, avec une végétation certes caractéristique des zones humides mais finalement assez « banale ». Pourtant, Tom Vierhout se souvient que poussaient ici des espèces « remarquables » qui ont désormais complètement disparu.
Ce qui n’est pas sans conséquence sur le rendement agricole. « L’objectif, pour un agriculteur, c’est d’avoir suffisamment de foin pour assurer l’alimentation des bêtes, mais il n’y a pas que la quantité qui est importante, il y a aussi la qualité. Plus une prairie va être diversifiée en graminées, en légumineuses, etc., plus les animaux vont pouvoir capter les différents oligo-éléments dont ils ont besoin pour être en bonne santé » souligne Julien Jemin. Cornelis Van Marle, qui produit du lait mais aussi du fromage, le confirme, « plus il y a d’espèces végétales, mieux c’est pour la santé des vaches ». Et pour le fromage qui « a plus de goût ! »
Depuis 2016, il loue ces parcelles avec sa compagne Danièle Manders. Et comme leur propriétaire, ils dressent le même constat. Outre la disparition de tout un pan de biodiversité, à laquelle le couple d’éleveurs est très sensible, ils observent des conséquences très concrètes à l’assèchement de ces parcelles.
Pour lui, l’équation est simple : certes, sur des parcelles humides qui ne sont pas drainées, il ne peut pas sortir ses vaches lorsqu’il pleut mais pendant les sécheresses, il a à sa disposition de l’herbe et de l’eau. « C’est mieux, tu es plus régulier », argumente-t-il.
Avec Tom Vierhout, ils se sont interrogés sur la manière dont ils pourraient renverser cette tendance et se sont naturellement rapprochés du Conservatoire et du Syndicat mixte du bassin de la Petite Creuse. « On leur a demandé si on pouvait dédrainer, s’ils avaient des solutions. Ils nous ont dit oui », sourit Cornelis Van Marle. L’envie tombe au bon moment, alors que ce type de projet est encouragé et accompagné, notamment par la Région qui a lancé, en janvier 2023, un appel à projet sur les zones humides.
Dédrainer, « c’est une idée que j’ai depuis longtemps », confie Tom Vierhout.
L’exemple est flagrant sur ces parcelles en dévers où l’écoulement de l’eau se fait naturellement en contrebas. « Le principe du drainage, c’est d’accélérer cet écoulement. En dédrainant, on va tout simplement le ralentir de fait », schématise Julien Lemesle, technicien coordinateur du SMBPC.
Ralentir l'eau et mieux la redistribuer
L’ancien éleveur a bien saisi que l’enjeu, face au changement climatique qui accentue les sécheresses et les épisodes diluviens, c’est désormais de ralentir le parcours de l’eau et de la stocker de manière qu’elle ne s’évapore pas.
« Plus on réfléchit à ce que l’on fait, plus on se rend compte qu’ici, c’est le sol qui peut nous garder de l’eau. Ce n’est pas forcément entré dans les mœurs parce qu’on donne toujours l’image du plan d’eau comme réserve mais on sait qu’un plan d’eau, ça évapore énormément contrairement à une zone humide, qui va conserver de l’eau dans le sol. »
Julien Lemesle (technicien coordinateur du Syndicat mixte du bassin de la Petite Creuse)
S’inquiéter de la ressource en eau après une année copieusement arrosée peut sembler incongru « mais des années 2024, rappelle Julien Lemesle, il faut être conscient qu’on en a de moins en moins et des années 2019, 2020, 2022, 2023, on en a de plus en plus. Il faut absolument arriver à avoir une cohérence dans ce que l’on fait et avec ces actions basées sur la nature, on arrivera, je pense, à travailler là-dessus ». Dédrainer certaines parcelles, restaurer des zones humides, préserver les haies, autant d’actions qui, ajoutées les unes aux autres, permettent de profiter à plein des services que nous rend la nature pour ralentir le parcours de l’eau, et « la conserver pour la redistribuer à des moments opportuns de l’année ».Des solutions écosystémiques que Cornelis Van Marle applique d’ores et déjà naturellement sur son exploitation en agriculture biologique. « On aime faire quelque chose par rapport au climat et pour la biodiversité. Ça veut dire préserver le sol, l’eau, l’air. Conserver les haies par exemple, ça apporte de l’ombre, ça coupe le vent séchant, ça retient l’eau », détaille l’éleveur. Il travaille également en non-labour et en fourrage régénératif, « avec de longs repos entre les rotations de pâturage », pour préserver également son sol. Car « s’il y a plus de vie dans le sol, il y a plus d’effets tampon contre les sécheresses ».« On est vraiment sur une action qui va reconstituer une vraie zone humide, qui sera gérée différemment derrière, souligne Julien Lemesle. C’est très réfléchi par l’exploitant et c’est quelque chose qui peut rentrer dans un plan de gestion. Et c’est pour ça qu’ici, on arrive à mettre en place ce dédrainage. »Un projet porté par des agriculteurs
Tout l’intérêt de ce projet, c’est qu’« il est impulsé par le monde agricole, par des agriculteurs et agricultrices qui réfléchissent différemment à leur utilisation du territoire, des milieux et à la fonctionnalité des zones humides », ajoute Julien Jemin. Le CEN accompagnera l’éleveur sur des modalités techniques pour exploiter ces parcelles, les gérer, les faire pâturer tout en tirant profit de ses caractéristiques retrouvées et de sa productivité fourragère.
Ce tout premier projet de dédrainage pourrait ouvrir la voie à d’autres. Il fait en tout cas déjà parler de lui. « On a eu des réactions épidermiques, sourit Julien Lemesle. On nous a dit “On s’est cassé les pieds à drainer et maintenant vous vous amusez à enlever !” Mais on n’a plus le même climat », rappelle-t-il encore une fois. Et la gestion de l’eau doit évoluer avec lui. C’est un tournant dont le monde agricole peut tirer parti.
Il sait que ce projet est attendu au tournant. « On a mis en place un important protocole “avant, pendant, après” pour expliquer ce que l’on fait, pourquoi on le fait, ce que ça donne, ce qui marche ou ce qui ne marche pas. » Il comprend notamment des mesures piézométriques journalières qui permettront de voir comment réagit la nappe d’eau dans le sol, si son niveau évolue à présent que les drains ont été retirés.
Le recul historique et l’expertise botanique de Tom Vierhout viendront alimenter le suivi de l’évolution de la biodiversité des parcelles. « C’est un premier projet, qui est nouveau évidemment mais je pense que ce ne sera pas le dernier », parie, confiant, Julien Jemin. « Il faut toujours qu’il y ait des personnes qui mettent le pied à l’étrier sur des initiatives un peu innovantes, des fois un peu farfelues, mais l’intérêt c’est d’essayer des choses. »
« Sur un sol qui n’est plus drainé, j’espère voir plus d’herbe pendant la sécheresse », projette déjà Cornelis Van Marle, en balayant du regard les zones devenues méconnaissables ces dernières années. « Vous voyez ici, il y a beaucoup de mousse, ça, c’est encore un résultat des sécheresses des dernières années », repère l’éleveur qui souhaite mener ce projet d’abord par conviction personnelle.
Une exploitation agricole résiliente, c’est aujourd’hui une exploitation qui recoupe « une mosaïque de paysages », à la fois des milieux boisés, des haies, des prairies séchantes, des prairies plus humides, « ce qui répond à la sécheresse mais aussi l’excès d’eau. C’est comme ça qu’on arrivera à faire face à ce changement climatique ».
La température
moyenne mondiale de 2024 est en passe de dépasser la température de
2023, l'année la plus chaude actuellement constatée (WMO)
Les agences de presse se font aujourd'hui l'écho du WMO (World Meteorological Organization) à propos de l'annonce faite de l'année en cours comme la plus chaude jamais enregistrée. Mais ceci devient un marronnier de fin d'année, avec l'inconvénient que plus personne ne s'en soucie...
A bien y réfléchir d'ailleurs, cette annonce qui émane d'un organisme de météorologie (et non de climatologie) semble faire fi de tout consensus à propos du réchauffement global : si on parle de climat et non de météo, il n'y aucune nouveauté sous le Soleil (harassant) : l'année actuelle est forcément plus chaude que l'année dernière et moins chaude que l'année à venir, et ce, aussi longtemps que durera le forçage radiatif dans notre atmosphère. En effet, le bilan radiatif, c'est-à-dire la différence entre l'énergie des radiations entrantes et l'énergie des radiations sortantes est positif (très légèrement mais de façon très stable, d'où une température moyenne mesurée forcément plus grande chaque année. Une mesure contraire n'affecterait pas, de toute façon, la tendance haussière de la courbe de température globale et ne pourrait être que le résultat du bruit de fond de cette mesure qui serait seulement non assez précise pour le dépasser...
Alors pourquoi continuer de s'étonner, ou faire semblant de s'étonner devant l'évidence des faits et surtout la prévisibilité de ces faits ? La science ne serait-elle plus prédictive ? Les scientifiques joueraient-ils trop les Cassandre ? Au Moyen-Age on s'en prenait au sonneur du bourdon de Notre-Dame qu'on considérait comme le fauteur des troubles qu'il annonçait à la population lorsqu'il sonnait le tocsin...
Ecoutez encore et encore "demain, dès l'aube" de Victor Hugo :
Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne, Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends. J'irai par la forêt, j'irai par la montagne. Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées, Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit, Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées, Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.
Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe, Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur, Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.