lundi 24 février 2025

Le Golem selon l'IA

J'ai confié à deux IA différentes (CHatGPT et le Chat de Mistral) la tâche de me représenter un haut-lieu de la littérature du Moyen Age : la rencontre du chevalier Calogronan avec "un vilain" à la lisière d'une forêt profonde.

Cette scène merveilleuse, à la fois onirique et inquiétante, est rapportée par Chrétien de Troyes dans Yvain ou le Chevalier au Lion (XIIème siècle). 

Cette scène nous a été conservée dans plusieurs manuscrits, dont le BNF Ms Fr 794, accessible sur Gallica :



Afin de ne pas complexifier la tâche de l'IA inutilement, j'ai toutefois retranscrit légèrement le texte original, tel qu'il est rendu par le 
Dictionnaire Electronique de Chrétien de Troyes :

J'en ai gommé les spécificités trop anciennes, comme les mesures en empan ou en pieds, ou les "grenons tortiz" (les moustaches). Du coup, cela donne un texte en français moderne, certes plus lisible, mais sans saveur par rapport à la magnifique expressivité du XIIème siècle :

Je vis alors un être assis sur une souche, ayant une massue en main. Cet être ressemblait fort à un monstre, laid et hideux à démesure. Je m'approchai de lui, et vis qu'il avait plus grosse tête que cheval de trait ou autre bête, cheveux mêlés en broussaille, front pelé de plus de 20 centimètres de large. Il avait les oreilles moussues et grandes comme celles d'un éléphant, sourcils touffus, visage plat, yeux de chouette et nez de chat, bouche fendue comme loup, dents de sanglier, aiguës et brunes, barbe noire, moustaches tordues, le menton soudé à la poitrine, une longue échine, tordue et bossue. 

Il était appuyé sur sa massue, vêtu de très étrange façon. Son vêtement n'était ni de tissu ni de laine, mais de deux cuirs nouvellement écorchés, cuir de taureau ou cuir de bœuf. L’être se dressa sur ses pieds dès qu'il me vit approcher. Je ne savais pas s'il voulait me frapper aussi je me fis prêt à me défendre, et vis alors qu'il demeurait immobile et sans bouger.

Il était juché sur un tronc qui avait bien 5 mètres de long. Il me regardait, ne disant pas un mot, pas plus que ne ferait une bête. Et je croyais qu'il ne savait pas parler ou qu'il n'avait point de raison.

Toutefois, je m'enhardis et lui demandai : « Dis-moi, es-tu une bonne créature ou non ? »
Il me dit : « Je suis un homme ».
Je lui demandai : « Quelle sorte d’homme es-tu ? »
Il répondit : « Tel que tu me vois. Je n'ai jamais été un autre que cela ».

J'ai demandé spécifiquement aux deux IA de me faire une représentation visuelle dans l'esprit de la bande dessinée, de cette rencontre purement littéraire. J'ai demandé explicitement un style préraphaélite du trait, pour la beauté de l'exercice. 

J'ai du redemander aux deux IA de retravailler chacune leur copie une seconde fois. Il s'agissait de corriger pour chacune une "hallucination" dans la première version soumise : 

  • ChatGPT : Un personnage surnuméraire sous les traits d'un philosophe s'était invité dans l'image.
  • Mistral : Une double lune étrange apparaissait dans le ciel.

Mais après ces corrections, voici le résultat obtenu par chacune :

ChatGPT

 

Mistral

Je suis convaincu que le passage littéraire en question tire son étrangeté (ce n'est pas le Diable que croise Calogronan) ainsi que son caractère un peu inquiétant, d'une réminiscence du Golem tel que décrit dans la tradition juive antique.

Que pensez-vous de cette représentation cryptique de la littérature française ?

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