Le prof de philologie romane attirait notre attention sur cette série très particulière d'adjectifs de la langue française qui qualifient le corps au moyen de parties du corps, et finissent uniformément en "u" :
charnu, ventru, fessu mais aussi (?) barbu, chevelu, poilu, velu ...
Probablement (et c'est là mon interprétation personnelle) que la sonorité en a "plu" sur un premier mot formé à partir d'une partie du corps, et que par assimilation, on en a forgé d'autres, en leur donnant cette même finale "u" par ailleurs assez inusitée (le son "u" n'existe pas en latin, seul "ou" existe) : [e] muet, ou "-eux" sont, comme terminaisons, surtout pour les adjectifs, des aboutissements beaucoup plus naturels de l'évolution phonologique historique française.
Quand le prof sollicita donc des exemples d'adjectif de parties du corps en "-u" de la part des élèves présents, j'eus un moment de crispation.
Le prof attendait évidemment "couillu" pour sa pertinence historique.
Et moi, je l'attendais pour son impertinence intemporelle.
Le mot "couilles" est en effet attesté dans les plus anciennes "bibliothèques", ces compilations personnelles de manuscrits que se faisaient les littérateurs (laics, non clercs ...). Par exemple, le manuscrit français 837 de la BNF appelé familièrement le "manuscrit C", contient la version canonique de "la chastelaine de Vergi", un très beau poême d'amour du 13ème siècle. Ce manuscrit contient également des écrits soigneusement copiés, aux noms fleuris, tels "La coille noire" ou "Du vit et de la coille".
Mais un ange (probablement joufflu) passa alors en salle de classe ...
Et j'entendis à peine une proposition lancée dans mon dos par une voix féminine, si ténue que le prof ne l'entendit pas :
"Mafflu"
Après vérification et de l'orthographe et du sens dans le dictionnaire, "mafflu" appartient effectivement à la série de "couillu", c'est un synonyme de joufflu.
Vraiment cette école est unique.