Scène de 4 vies difficiles au Fort de Nogent, le centre de recrutement de la Légion Etrangère à Paris, le 28 Avril 2009.
Un Légionnaire sanglé dans sa tenue d’apparat, de rigueur quand on est planton, la jugulaire à mi-menton comme le prévoit le règlement, accueille 4 petits gars maigres comme des chats écorchés, tannés comme des paysans du bout du monde qu’ils sont.
Avec son vocabulaire de Légionnaire (350 mots) et avec un accent des Balkans à couper à la baïonnette, le planton leur demande si ils parlent le Français. Aucun signe de compréhension.
Il poursuit pourtant : « Vous voulez vous engager ? ».
Pour toute réponse, un des chats écorchés, habillé d’un de ces blousons de faux cuir, avance une menton fier, et répond « Afghânne »
Dans ces circonstances, je suppose que le manuel prévoit que décliner sa nationalité vaut pour 5 ans d’acquiescement, car les 4 garçons ont ensuite été prestement introduits à travers la grille qui ferme la porte de la Légion, et ouvre sur ce monde de violence probablement nécessaire pour notre pays.
Je vous souhaite bonne chance, petits paysans du monde de la misère, et j’aime à croire que la France vous sera reconnaissante de risquer votre peau tannée pour elle.
Moi, je vous suis déjà extrêmement reconnaissant.
Et si la France avait exigé de moi, natif du cru à la peau tendre, une semblable preuve d’allégeance, chose qu’elle n’a pas faite, je me serais senti légitime à vous dire, au moment où vous avez franchi cette grille, que vous méritiez d’ores et déjà d’être français.