C’est un paradoxe de plus : la France n’aime pas son agriculture alors qu’elle aime ses agriculteurs.
En un peu plus d’une semaine, une pétition déposée par une étudiante sur le site de l’Assemblée Nationale et demandant l’abrogation de la loi Duplomb a dépassé la barre du million [et demi] de signatures : un record.
Souligner que notre agriculture doit changer, l’autrice du texte de cette pétition n’est pas la seule à le penser (sa phrase finale est malicieusement « Aujourd’hui je suis seule à écrire, mais non seule à le penser »). Comme l’avait montré la grande consultation des agriculteurs menée par le Shift Project, une large partie des agriculteurs eux-mêmes en a envie.
86 % des 8 000 répondants considéraient que le changement climatique est un risque, les deux tiers que la diminution de l’efficacité des produits phytosanitaires en est un aussi, et plus de 70 % considéraient que les phytosanitaires présentent un risque pour eux-mêmes, l’environnement, ou la santé humaine en général.
Question : alors, qu’attendons-nous pour changer ? La réponse tient malheureusement en 6 lettres : argent. Dans cette même consultation, il apparaissait de manière très nette que ce qui « bloque » les agriculteurs n’est pas l’indifférence aux nuisances des pesticides, mais la crainte de ne plus pouvoir vivre de leur travail s’ils se mettent en conformité avec les aspirations de la société, que bon nombre d’entre eux comprennent par ailleurs.
Dans la même consultation on peut apprendre que 90 % des agriculteurs se sentent mal représentés dans le débat public, et que 60 % espèrent peu de choses de leurs syndicats.
Accepter le surcoût de l’alimentation
Une pétition peut-elle modifier la donne ? Elle peut, bien sûr, conduire à modifier la loi « sous la pression populaire », et l’interdiction d’un néonicotinoïde est assurément bonne à prendre.
Mais le problème de fond demeure : comment faire en sorte que les agriculteurs gagnent correctement leur vie quand ils produisent ce que demande la société, et dans les conditions que demande la société, au surplus sans se mettre en risque vis-à-vis d’une concurrence internationale qui ne serait pas soumise aux mêmes exigences ?
Il aurait été intéressant de voir si le nombre de signataires aurait été le même si ce texte avait aussi mentionné que toute personne soutenant l’initiative était aussi prête à accepter le surcoût (modeste) de l’alimentation qui ira avec le fait de « cultiver ou élever suffisamment propre ».
Rappelons que seuls 7 % de notre ticket de caisse au supermarché vont chez les agriculteurs, et que le revenu par exploitant a été divisé par deux en 30 ans. Les agriculteurs ne sont pas fous. Si, en préservant le capital naturel, ils sont mieux payés qu’en érodant la biodiversité, pourquoi voulez-vous qu’ils ne le fassent pas ?
Espérons donc que cette « vague populaire » aille aussi avec une « vague de modifications dans le bon sens des actes d’achat ».
Ça aiderait beaucoup.
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