Tout le monde s’indigne et s’agite sans grand effet quand 17 000 banquiers de la BNP vont se partager 1 000 000 000 d’Euros.
Cette somme représente 59 000 euros de bonus par personne concernée en moyenne, qui vient en sus de leur salaire annuel, par ailleurs fort raisonnable.
Je n’arrive pas à me faire une opinion, même indignée, sur le sujet.
Première question sans réponse : La société française est-elle légitime à se saisir, a fortiori de manière juridique, d’une question privée entre une entreprise et ses salariés ?
L’argent en question est légalement et légitimement gagné, si l’on admet que l’activité bancaire est légale et légitime, et tant l’entreprise que ses traders vont payer charges et impôts sur les sommes en question. De plus, la population des traders étant de nature flambeuse, l’argent va sans doute être réinvesti très rapidement dans l’économie, sous forme de dépenses somptueuses et somptuaires, et de TVA.
Deuxième question sans réponse : Peut-on concrètement empêcher cette situation ?
L’activité de marché financier en question est susceptible de se délocaliser de Paris à Londres, Frankfurt ou New York du jour au lendemain. Réellement, sans préavis, et sans contraintes. Les équipes, les systèmes, les téléphones existent, et c’est immédiat. D’où une surenchère des états pour attirer et garder ces activités très « impôtgènes ». L’exemple le plus frappant est le Royaume Uni : La City de Londres représente 20% du PIB d’un pays en voie de désindustrialisation avancée. A ce niveau là, sur une activité aussi volatile, on ne prend pas de risques.
Troisième question sans réponse : Peut-on promouvoir un autre mode d’organisation de la fonction financière, sans la débauche d’argent ?
Une banque ne crée pas de valeur, même si de manière comptable, on mesure sa «valeur ajoutée ». Une banque est un prestataire de service qui vit au dépens de l’industrie.
Ce prestataire a pour fonction première de huiler les flux d’argent, pour qu’ils s’investissent au mieux dans les entreprises. Mais les entreprises restent les seules productrices de valeur ajoutée, dont les banques prélèvent une part importante. Mon simple compte en banque me coûte 12 euros par mois, alors que je laisse mon argent gratuitement à disposition de la banque qui le place.
Les activités de marché sont par exemple mathématiquement un jeu à somme nulle, voire négative : Les gains d’un acteur donné sont mathématiquement compensés par des pertes symétriques d’un autre acteur, celui qui s’est placé en contrepartie dans la transaction (Cette contrepartie perdante versera quand même d’ailleurs des bonus à peine moindres à ses traders).
In fine, on se rend compte que la seule explication, et qui n’est aucunement une justification, pour dériver des sommes impensables vers les traders, c’est qu’elles ne représentent qu’une petite partie des sommes totales dans lesquelles ces acteurs baignent. Une petite dérivation sur un flot immense.
Pour mémoire, Jérôme Kerviel a réussi à placer (soit disant à l’insu de sa hiérarchie) l’équivalent du PIB du Maroc (50 Milliards d’Euros). Dans de telles circonstances, qu’il prélève 39 000 Euros sur ce flux, qui le verra ? ou plutôt qui le verrat ?
C’est un comble que l’activité humaine qui paye le mieux soit une activité qui ne produise rien …
D’un autre côté, dans cette même société, les joueurs de golf sont payés des millions pour pousser une balle dans un trou avec un bâton, alors …
Encore une fois, la réponse est une question de morale individuelle. Le jour où les banquiers auront la morale d’un Sigmund Warburg, les industriels le courage moral d’un François Michelin, et les politiques la droiture morale d’un Charles de Gaulle, la question ne se posera plus.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire