samedi 2 septembre 2017

Le jardinier et le paysagiste

J'ai compris brutalement, durant ma petite sieste postprandiale, la chute d'un fabliau moderne un peu triste, à base de robots, de jardiniers et de paysagistes.

Le problème était posé par un journaliste de France-Culture, qui tentait de nous rassurer sur les impacts "pas si destructifs" de la robotique.

Le journaliste prenait l'exemple de ces petits robots tondeurs de gazon, qui ont rendu inutiles les jardiniers chargés de les pousser depuis qu'ils ont appris (les robots, pas les jardiniers) à se diriger seuls sur le terrain à entretenir.

Toute l'évolution de la technologie, et son impact sur la main d'oeuvre humaine, sont parfaitement résumés dans l'allégorie choisie par le journaliste :

A l'origine, beaucoup d'hommes, chacun doté d'une faux, étaient nécessaires pour entretenir une prairie.

Quand on a appliqué le moteur thermique à faire des faux mécanisées, cela nous a donné la tondeuse. Il y fallait encore un jardinier pour deux fonctions liées :
  • pousser la tondeuse sur la prairie, et
  • la guider dans le cheminement optimal pour en minimiser la consommation de pétrole.
Rémission temporaire pour l'intelligence humaine.


Puis la fonction du jardinier s'est encore réduite à seulement "guider" : pousser était devenu inutile, la tondeuse devenant autotractée. L'homme, libéré de la pénibilité physique, se concentrait sur sa compétence unique : analyser, réfléchir, décider.


Last chance.

Qui n'a pas duré.

Les informaticiens sont intervenus (très peu de temps) pour doter la tondeuse de GPS et d'"IA", d'intelligence artificielle. Et depuis peu, la tondeuse se guide elle-même en ayant mémorisé les limites du terrain à tondre, ainsi que les endroits où elle est déjà passée.


Le journaliste de France-Culture fait ce constat malheureux :
Plus besoin de jardiniers.


Mais il en évoque tout de suite la solution toute trouvée pour nos jeunes :

Si nous n'avons plus besoin de jardiniers, montons donc en compétences : formons nos jeunes à être des paysagistes !
C'est là clairement une fonction, paysagiste, dont le robot ne saura nous dépouiller !

Certes !


Mais cette situation pose un nombre de question importantes à la société dans son ensemble :
  • Combien de paysagistes seront requis demain, en comparaison du nombre de jardiniers disparus ? A Versailles, il y avait un seul Lenôtre paysagiste pour 1000 jardiniers au travail.
  • L'Education Nationale va être débordée par cette nouvelle mission que lui donne soudainement son Ministre :  Former des cohortes de paysagistes.
  • Et comment garantir la paix sociale, en tant que société civile, quand il s'agira d'attribuer un seul poste de paysagiste à Versailles, et envoyer 1000 jeunes paysagistes, tous juste émoulus de l'école du Breuil, à l'ANPE?
  • Pour une part la société civile va employer plus de paysagistes, dont les prix seront de toutes façons bradés. Disons 5 paysagistes au lieu de 1 seul.
  • D'autant qu'il n'y a plus de jardiniers, tous les jeunes sont formés en paysagistes. Du coup tous ceux qui ne trouvent à s'employer que comme jardiniers sont frustrés dans leur travail, étant surqualifiés ...
  • Et ces jeunes paysagistes, devrons-nous les considérer comme fainéants si ils ne parviennent pas à trouver du travail ?