samedi 24 février 2018

Le dernier Roi

Le 24 Février 1848, il y a 170 ans, Louis-Philippe, Bourbon par sa mère, abdiquait.

Sous la pression des barricades du peuple et de la Garde Nationale de Paris, qui refusait le gouvernement de Thiers, nommé en catastrophe à 10H30 du matin le 24, et refusé à 15H00 par la Chambre des Députés. 


Thiers fera payer ca très cher aux Parisiens lors de la répression de la Commune, au temps des Cerises, 23 ans plus tard.

Vive la France.

vendredi 23 février 2018

Jeanne n'était pas française

Je lis dans la presse :

Choisie pour interpréter Jeanne d'Arc lors des fêtes célébrant chaque année la "Pucelle" à Orléans, Mathilde Edey Gamassou, qui a des origines béninoises par son père et polonaises par sa mère, fait l'objet sur les réseaux sociaux d'injures racistes.

Faudrait rappeler à tous les crétins que Jeanne d'Arc n'est pas française : elle est née dans le duché de Bar, donc dans le Saint Empire Germanique.

Elle aurait donc dû attendre 1766 soit environ 12 générations, pour acquérir la nationalité française ("nationalité" est d'ailleurs encore un concept postérieur) par annexion (Traité de Nimègue, je crois).


Dessin (imaginaire) de Jeanne de 1429





jeudi 22 février 2018

B ou V ou le Bêtacisme


Tous les hispanisants, les latinistes, italianisants, tous les hébraïsants, et tous les résidents d’Occitanie parmi les lecteurs de Nautre Monde ont été interpelés par la forme de confusion qui règne parfois entre les lettres « B » et « V », dans ces langues qu’ils utilisent au quotidien.

Et ceux qui maitrisent plusieurs des langues mentionnées ci-dessus, n’ont pas manqué d’être intrigués du fait que cette bizarrerie en soit commune, avec des manifestations différentes, bien que ces langues n’entretiennent que des liens distants entre elles, en apparence.

Cette bizarrerie est connue et a été précisément étudiée dans ses origines, ses causes, et ses manifestations. Elle s’appelle « bêtacisme », nom formé à partir de la lettre Beta du grec.
Et ce, bien que le grec ne soit pas la première langue qui a manifesté cette bizarrerie.

Le bêtacisme peut désigner plusieurs manifestations différentes, mais apparentées, selon l’époque et le lieu que l’on considère [dites « en synchronie ou en diachronie » pour faire chic en soirée].

- En Hébreu, depuis toujours, bien que la fixation formelle s’en soit faite seulement à la période massorétique (1er siècle avant notre ère), et encore aujourd’hui, les sons « b » et « v » peuvent être tous les deux obtenus de la 2ème lettre de l’alpha-bet, le « bet » justement. Pour obtenir un son « v » à partir de la lettre bet, il suffit de lui enlever le point « . » qui figure au milieu de la lettre.


Ce point « . », qui s’appelle Dagesh en hébreu, appartient à la catégorie des signes diacritiques, selon les savants.
Noter que :
  • la forme carrée du Bet représente une maison, avec son ouverture, car la lettre est encore très proche du signe hiéroglyphique égyptien dont elle émane. On le sait car encore aujourd'hui, maison se dit ... ba-it.
  • pour ajouter à la complexité, le son « v »  peut également être obtenu d’une autre lettre, le Vav, un peu plus loin dans l’alphabet. Cette lettre Vav  peut également se prononcer « ou » (ainsi que « o »),  encore une fois selon certains signes diacritiques dont elle est décorable (à côté ou dessus).

En grec : Le phénomène touche également le grec, la modification phonétique du b en v est d'ailleurs caractéristique de l'évolution du grec ancien vers le grec moderne : la prononciation de la lettre β, bêta en grec ancien, est devenue « vita » en grec moderne.

En latin, à l’époque classique, mais dans les couches populaires, on a tendance à transformer le son du « b » en un son « v », sans ajout de signe diacritique, ou autre technique. C'est un cas particulier de lénition (du latin lenis « doux », adoucissement, qui a donné « lenient » en anglais, ou lénifiant en français).
Deux complexités supplémentaires en latin  :
  • Le « v » ne se prononçait pas « v » comme en français moderne, mais se prononçait en diphtongue « oué ». Asterix aurait dit « ahoué ka-yssar », s’il avait eu à saluer le grand Jules. En fait, c’est dingue mais le latin ne connaissait pas notre son « v » présent.
  • la lettre « v » était confondue à la graphie, avec la lettre « u ». « u » qui se prononçait d’ailleurs « ou » … comme en Hébreu. 
Le bêtacisme latin est un phénomène suffisamment ancien pour apparaitre dans l'épigraphie. Les inscriptions trouvées dans la péninsule ibérique fournissent un très grand nombre d'exemples de mots écrits avec un B là où l'orthographe classique comporte normalement un V et par exemple :
QUI BIXIT au lieu de vixit (« qui vécut »)
SINE BILE au lieu de vile (« sans défaut »)


Le fameux SPQR cher à Astérix

La majorité des langues romanes ont construit une confusion totale des deux anciens phonèmes latins, et en conséquence, la distinction de B et V dans l'orthographe n’était plus nécessaire, puisque les sons en sont communs.

La cause véritable de ces changements est discutée, mais double, pour tenir compte du double mouvement : Adoucissement du b et durcissement du v.


  • La lénition ou adoucissement du b en v est une évolution phonétique banale qui commence avec le latin et fut menée à terme dans toutes les langues romanes, sans exception.
  • le durcissement du v latin en b à l'initiale des mots, là où le phénomène est marqué,  sont (peut-être) spécifiques à ces régions : Les spécialistes vont en chercher les raisons dans les langues pré-romaines de ces régions : basque et ibère (langue morte parlée dans l'est de la péninsule ibérique avant la romanisation).Mais cette 2ème explication n’est probablement pas suffisante, puisque le phénomène se manifeste également en dehors des aires d’influence du basque et de l’ibère.
Le français n'a pas été vraiment touché par ce phénomène. Seul l'étymon de certains mots dénote le bêtacisme : vervex pour brebis par exemple.
On en trouve également trace dans la paléographie romane, entre le 14ème et le 17ème siècle : Un v s'écrit comme un b comme dans cet exemple tiré d'un acte d'état civil de Gray (Haute-Saône) de 1614 :

Antoine velu, et non bolu ...

Quelle histoire ... 



mercredi 21 février 2018

Boston Robotics impressionnante

Impressionnant :



lundi 19 février 2018

Kendal Breizh

Le Breton Olivier Le Clainche, alias "Kendal Breizh", a été tué en Syrie le 10 février alors qu'il combattait dans une milice kurde ciblée par l'armée turque.
Il a payé de sa vie, selon son entourage, son engagement militant au nom de "la lutte pour les droits humains, la liberté et la démocratie".
Originaire de Malestroit (Morbihan), Olivier Le Clainche était parti en Syrie en juillet 2017 afin d'y combattre le groupe État islamique (EI) au sein des Unités de protection du peuple (YPG).
La milice kurde des YPG, considérée comme "terroriste" par Ankara, est alliée des États-Unis dans la lutte contre l'EI. Elle est la cible depuis le 20 janvier d'une offensive militaire turque.


Je ne peux m'empêcher de voir ce gars comme un combattant des Brigades Internationales en 1936.
Mourir pour Madrid ou mourir pour Afrine ?


Une image merveilleuse

La naissance d'une petite pieuvre dans les Caraïbes :

www.ultimedia.com/deliver/generic/iframe/mdtk/01590560/src/vvmfmz/zone/25/showtitle/1

dimanche 18 février 2018

Le papier sulfureux

Ce texte a été publié par André Faurie, sur le site du Cerig, portail de veille technique et scientifique associé à l’école de Grenoble (EFPG).


Du latin au français, en passant du parchemin au papier imprimé, avec l’invention de Gutenberg, le livre échappe au monopole de l’Église. Jusque-là réservé aux clercs, aux princes et aux nobles, il passe entre les mains de tous ceux qui savent lire.
En 1588, Marguerite d’Angoulême présente "L’Heptaméron" à la duchesse d’Étampes.  Marguerite d’Angoulême est la fille de Louise de Savoie. Son frère François sera le futur roi François Ier.
Mariée à 17 ans en 1509 à Charles d’Alençon, elle est veuve et se remarie en 1527 avec Henri d’Albret, roi de Navarre. Sa fille Jeanne d'Albret sera la mère d’Henri IV.
Marguerite d’Angoulême,
lettrée princesse de Navarre,
Tableau de Jean Clouet
Son grand père, Jean d’Angoulême, lui a enseigné le goût pour la philosophie et la théologie. Plus ouverte que son frère aux nouvelles idées, elle parle le latin, l’hébreu et le grec. Elle protège les réformateurs de Meaux.

Elle est l'auteure de l'Heptaméron, un recueil de 72 nouvelles, non achevé, inspiré du Decameron de Boccace.

Dans l'"Heptaméron", sa mère, Louise de Savoie (qui apparaît comme Dame "Ousile") est présentée comme une femme de son temps, croyante, grande voyageuse, tolérante, humaniste et cultivée. Elle ne condamne pas les frasques de son fils et accepte les "gauloiseries" de l’époque. Elle meurt trois ans avant l'affaire des "placards".

Futur Collège de France
Le fils de Dame Ousile, François Ier donc, est tolérant. En 1529, il fonde les "lecteurs royaux", futur Collège de France. Contre l’avis de Noël Beda, syndic de l’Université et "plus grand clabaudeur de son temps", il octroie à ses lecteurs le privilège d’une totale indépendance. C’est le délire, il n’y a plus de limite, l’Université et l’Église ne contrôlent plus rien.
Suprême hérésie, un lecteur, Guillaume Postel, titulaire d’une chaire d’arabe, soutient : "Qu’il n’y ait plus désormais de papistes, ni de luthériens, prenons tous le nom de Jésus, de qui nous attendons le salut. Soyons tous disciples de Jésus, alors nous souhaiterons avoir pour amis les Juifs et les Ismaélites, nous leur donnerons même ce nom, et en fin de compte à l’humanité tout entière".
Si un profane peut se permettre une interprétation critique de la Bible, il ne sera plus possible de maîtriser la diffusion des Saintes Écritures.
Noël Beda s’insurge et comprend clairement que si un profane peut se permettre une interprétation critique de la Bible, il ne sera plus possible de maîtriser la diffusion des Saintes Écritures.
Bientôt, les outrances des extrémistes conduisent le roi à prendre des mesures pour contrôler la production littéraire. En octobre 1517, il instaure par lettres patentes le dépôt légal, et à Villers-Cotterêts en août 1539, il rend le français obligatoire dans l’administration "pour faciliter la compréhension des décisions royales et de justice…le français en lieu et place du latin" et crée les registres d’état civil.
Des indulgences à la Bulle
Les princes de l’Église dépensent sans compter. Pie III, Jules II et Léon X ont des cours fastueuses et sont les mécènes des artistes les plus réputés comme Michel-Ange, Vinci ou Raphaël. Tout cela demande beaucoup d’argent et la vente des indulgences est le moyen trouvé par Léon X, à partir de 1515, pour remplir les caisses du Vatican.
Martin Luther
Peinture de Cranach

En 1517, scandalisé de voir que l’on peut recevoir l’indulgence moyennant finances, Martin Luther affiche ses "placards", 95 thèses, sur les portes des églises. Charles Quint le convoque à la Diète de Worms en 1521 et lui demande de se justifier. À la demande de renoncement à ses idées, la seule réponse de Luther – "Je ne puis autrement" – lui vaut le bannissement. Seul son enlèvement par Frédéric le Sage, électeur de Saxe, lui évite le bûcher. Bientôt relayé par Jean Calvin, il provoque une crise majeure en Europe.

Une Bible pour tous, le mal se propage
C’est par le papier que le "mal" se propage en France. Par la Savoie, la Bible et les idées nouvelles de Genève pénètrent les milieux aristocratiques et bourgeois du Dauphiné qui sont les premiers touchés. Instruits, ils savent lire et sont ouverts à l’humanisme qu’ils ont appris à l’université de Valence. Même le clergé est touché par l’hérésie. L’archevêque de Vienne "sentait mal sa foy" et Montluc, évêque de Valence cité à comparaître à Rome, est condamné.
Pour le peuple qui ne sait pas lire, la propagation se fait de façon plus subtile. Les "marchands à la balle" sont toujours très attendus dans les foires et les campagnes, même si on se méfie d’eux. À l’entrée des villes, ils doivent présenter un certificat attestant qu’ils n’ont pas de maladies contagieuses, mais rien concernant leurs idées. Colporteurs, bardes, pilharots (chiffonniers), jongleurs, conteurs de bonnes aventures, ils sont un peu tout cela à la fois. Beaucoup viennent de Genève, du Piémont et de l’ancienne terre dauphinoise du Faucigny. Après la Savoie, ils traversent l’Oisan, le Dauphiné et vont en Vivarais. Le passage est d’autant plus facile que les comtes de Savoie, lassés par les invasions incessantes des Français, s’établissent à Turin en 1562.
Les idées de Luther bénéficient de la protection de Marguerite d’Angoulême et de la bienveillance de son frère François Ier. Les disciples de Lefèvre, appelés "bibliens" ou "fabristes", se retrouvent à Meaux autour de l’évêque Guillaume Briçonnet. La Réforme s’implante, les temples sont nombreux et en 1560, on compte 40 pasteurs en Dauphiné. Dans les villes où ils deviennent majoritaires, les protestants abolissent la messe. Pendant les cinq ans de la trêve de l’Édit d’Amboise, et avec un Bertrand de Simiane de Gordes plus tolérant, la Réforme progresse.
Du Concile de Trente à l’Inquisition
Devant la propagation de l’hérésie, l’Église réagit par le Concile de Trente.
Pour François Ier, continuer à tolérer les idées de Meaux équivaut à créer une crise interne, avec la Sorbonne et l’Église de France, et une crise externe avec Rome et l’empereur. Le 17 mars 1521, une perquisition est effectuée chez les libraires, en avril la faculté de théologie condamne les propositions de Luther et le 3 août "est proclamé par cri public aux carrefours la confiscation de son livre". L’intolérance des uns et des autres conduit une fois de plus à l’autodafé.
L’affaire s’envenime avec la publication de la version française du Nouveau Testament par Lefèvre, et la profanation d’une hostie par le fils du contrôleur du grenier à sel de Châteaudun qui amène le roi à une procession de Nanterre à Saint-Germain. Le jeune profanateur est brûlé vif à Saint-Germain et commence ainsi la longue liste des martyrs de la nouvelle foi.


Dans un premier temps, ce sont les livres qui sont brûlés sur le parvis de Notre-Dame.
"Nous n’entendons avoir ou soutenir aucun hérétique en notre royaume, mais s’il n’y a nulle erreur, nous ne voulons ôter à personne la liberté d’écrire". Mais ce ne sont pas les idées qui brûlent, c’est cet hérétique de papier, ce suppôt de Satan… l’Église avait bien raison de se méfier
Le tour des idées et de leurs auteurs arrive. Un édit prescrit que ceux qui "s’insurgent par blasphèmes horribles de l’invention desquels ils se glorifient contre l’honneur et le respect de Dieu et de sa glorieuse mère seraient brûlés après qu’on leur aurait ouvert la gorge avec un fer chaud, tiré la langue et la coupée par le dessous".
Enfin, les "placards" de 1534, affichés par les extrémistes jusque sur la porte du roi et dénonçant violemment la messe, sonnent l’heure de la répression.

On commence à voir les premiers réfugiés sur les registres des "rolles des estrangers françoys" à l’hôtel de ville de Genève. Mais c’est à partir de 1568 qu’une grande partie de la population s’exile. En fait, derrière ces réformateurs et ces condamnations de l’hérésie se cache une lutte sans merci pour le pouvoir.
L’impardonnable
L’intolérance des catholiques n’a d’équivalent que celle des Réformés. En 1553, Calvin condamne Michel Servet : "Désirant retrancher de l’église de Dieu tel membre pourri, nous te condamnons Michel Servet, à devoir être attaché à un pilori et brûlé vif jusqu’à ce que ton corps soit réduit en cendres; et ainsi tu finiras tes jours pour donner l’exemple aux autres".
Devant la progression de la Réforme, le duc de Guise, gouverneur du Dauphiné, lance la contre-attaque. D’avril 1562 à mars 1563, les Adrets, Montbrun, d’Acier, Maugiron, de Gordes, Mouvans, Nemours, Crussol et autres capitaines aventuriers rivalisent de cruauté et d’intolérance. "Plus avides de butin que de vérité religieuses", ils mettent le pays à feu et à sang. Tous se rendent célèbres par leurs exactions : Les Adrets par ses "sauteries de Pierrelatte" et ses multiples revirements d’alliances, Maugiron à Grenoble, son lieutenant chassé de la Côte par la population qui préfère Carrouges et ses 7 000 protestants.
D’intolérances en autodafés, de bûchers en persécutions, l’impardonnable arrive.
Les papetiers poussés à l’exil
De Grenoble à La Rochelle, les idées de Calvin traversent la France. La Réforme s’implante dans tout le sud. Le pouvoir en place voit dans ces réformés des concurrents indésirables. Après la mise au pas des hérétiques cathares, les catholiques du nord s’attaquent à la "Religion Prétendue Réformée".
Les livres interdits irriguent les campagnes et les foires, et finissent irrémédiablement avec les chiffes dans les battoirs à papier
Comme quatre siècles plus tôt avec les Almoades, l’intolérance pousse les papetiers à l’exil.
Les harangues de Farel traversent les frontières aussi vite que les livres interdits irriguent les campagnes et les foires, et finissent irrémédiablement avec les chiffes dans les battoirs à papier. Par les pilharots et les imprimeurs, les papetiers sont toujours très bien informés même dans les vallées les plus reculées où se cachent les moulins. Volontiers frondeurs, ils n’ont pas de mal à adopter la nouvelle religion. C’est ainsi que la foi réformée se trouve répandue dans les moulins en Vivarais et en Auvergne. Les Réformés sont nombreux dans le métier du papier.
La famille Montgolfier crée son premier moulin à Ambert. Un descendant, Jacques, voit sa papeterie détruite lors de la Saint-Barthélémy et s’installe en Beaujolais sous la protection du sire de Beaujeu.
"En 1577, lors de la prise de la ville d’Ambert par les protestants, on détruisit cinquante moulins situés aux abords immédiats de la ville parce qu’ils auraient pu faciliter l’approche des troupes ennemies".
"En 1592, le duc de Nemours à la tête de l’armée des ligueurs vient mettre le siège devant la ville et met le feu à plus de 40 moulins".
La France, leader européen
Au milieu du XVe siècle, la France est devenue la nation d’Europe la plus exportatrice de papier. En 1554, Montholon, recteur de l’Université de Paris, dit au roi :
"Est la papeterie une manufacture qui ne s’est pas ci-devant faite qu’en France, et ce sont les estrangers, mesmes ceux d’Espagne toujours fournis en France et c’est le moyen de la papeterie, plus que par autre trafic des marchandises qui se passe en France, tiré l’or estranger. Il n’y a en France mine d’or n’y d’argent et n’avons moyen de trafiquer avec l’estranger et d’avoir leur or et leur argent que par le moyen de manufacture de la papeterie".
Au début du XVIe siècle, comme les frères Estienne à Paris, Christophe Plantin est humaniste et imprimeur. À Anvers, il emploie 80 ouvriers, et imprime 50 titres par an sur 16 presses. Il est considéré comme l’un des plus grands imprimeurs de l’époque.
En 1568, il vient à Troyes pour acheter le papier nécessaire à l’impression de sa Bible polyglotte dite d’Alcalà commandée par Philippe II d’Espagne. Sur grand réal in-folio il imprime huit volumes en 960 exemplaires. C’est par 1 000 rames à 72 sous chacune qu’il s’approvisionne. Christophe Plantin, tourangeau d’origine, "haricote" (réclame) sur la qualité des produits pour obtenir des rabais et ristournes. Les papetiers de Troyes soumis à ce chantage, s’entendent et restent fermes sur les prix sachant que pour une telle qualité seules les papeteries de Troyes sont capables de le servir.
Les papetiers vivent un âge d’or dans cette période troublée par les affrontements entre catholiques et réformés.
En 1533 Pierre Grognet écrit une chanson à leur gloire :
"Le bon papier est fait à Troyes, de sorteQu’il est le meilleur qu’autre que l’on apporteDe divers lieux, y sont imprimeursBons et parfait et gens de bonnes moeurs"
Sous la protection royale, exemptés de tous droits, exempts de la collecte des tailles, du logement des gens de guerre et de la milice, dispensés de tirer à la milice, les papetiers vivent un âge d’or dans cette période troublée par les affrontements entre catholiques et réformés.

samedi 17 février 2018

Luc Ferry mieux de se taire

Notre ancien ministre de l'éducation a commis récemment "Les Maths ne servent à rien" et "Je n'ai pas utilisé les maths 30 secondes dans ma vie".

On peut percevoir la provocation salvatrice par le philosophe, capable de tenir un propos polémique pour nous forcer à réfléchir par delà les apparences trompeuses.

Mais on peut aussi craindre la simple connerie du gars qui a besoin d'occuper l'espace médiatique.

Surtout si on se dit que le gars en question est fier de n'avoir même jamais refait les additions en bas du budget de l'Education Nationale.

Sans parler de recalculer le ratio du coût de l'éducation dans le budget de la France.

mercredi 14 février 2018

Ductus

Il faut regarder "Ductus", ce petit film de Jean Mallon, qui traite de l'histoire de l'écriture manuscrite depuis le haut empire romain :



"Ductus" est un mot latin dérivé de ducere (« tirer », « conduire », « diriger »).
Il signifie l'action de tracer les lettres.

Jean Mallon est un Chartiste, grand spécialiste de paléographie latine, mort en 1982.




mardi 13 février 2018

La versification au haut Moyen-Age


Quand on récitait, chantait ou psalmodiait de la poésie vers l’an 900 en (future) France, on le faisait en vers de 8 pieds, des octosyllabes. 
Cette forme de poésie, très scandée, émane directement des vers latins de la liturgie. Dans l’église catholique, une versification différente a toutefois également été utilisée, fondée elle sur des vers de 11 pieds appelés « hendecasyllabes ». Ces vers-là sont plutôt d’influence grecque classique, comme le nom « hendeca », 11 en grec le rappelle. D’ailleurs la poésie italienne du haut moyen-âge s’est, elle, plutôt construite sur des hendecasyllabiques, par le truchement de certains auteurs romains comme Catulle. 
Le fait est que le plus ancien vers en langue romane (qui deviendra un jour la langue française) est un octosyllabe. Cette forme de versification perdurera de manière courante au Xème siècle, et encore à travers les 12ème et 13ème siècles.

On a 2 textes fameux du Xème écrits dans cette versification :
  • La Vie de Saint Léger (Evêque d’Autun au 8ème siècle) :
  • la Passion du Christ de Clermont, poème de 516 octosyllabes répartis en couplets de 4 vers, et représente le plus ancien récit en (futur) français de la Passion. Ce poème est écrit dans une langue contenant des traits de langue d'oïl et de langue d'oc, peut-être d’origine poitevine.

Ces 2 textes sont liés car ils apparaissent ensemble dans les plus anciens manuscrits qui les recopient, et le plus ancien connu est conservé à Clermont-Ferrand.
Une forme de rime existait déjà à l’époque, non pas rime embrassée ou rime suivie comme aujourd’hui, mais plutôt sous la forme « aabb », et souvent, plus riche en « aaabbb ». Les vers de 8 pieds vont donc par paire, unis à la fois par le sens, et par la rime.

Les 8 pieds du vers se posent sur une mélodie à 8 temps, la scansion des 2 vers appariés se fait selon un rythme 4 + 4 + 4 + 4. On pense que la Passion de Clermont était ainsi chantée par un seul exécutant.

C'est Chrétien de Troyes (vers 1150) qui s'affranchit le premier des césures au 8ème son, mais timidement d’abord, dans une recherche perceptible d’effet dramatique. De cette recherche émane le décasyllabe (vers de 10 pieds) qui apparaît au 11ème dans « la Vie de Saint Alexis », dont une des premières versions connues est composée de 125 quintils (groupes de 5 vers de même assonance « aaaaa ») de vers décasyllabiques assonancés (pour un total donc de 625 vers).

Ronsard encore, au XVIème, écrira en décasyllabes.
C'est le vers par excellence des chansons de geste. Sa structure est soit en 4+6, mais aussi (moins nombreux) en 6+4.

Certaines chansons de geste sont, elles, en vers de 12 pieds. Ce 12 pieds ou « Alexandrin », qui tire son nom du Roman d'Alexandre de Paris, n'apparait qu'au 12ème dans le manuscrit du « Pèlerinage de Charlemagne ».
Un alexandrin se coupe à l'hémistiche en 6+6.

Noter que la mise en rime s’est faite de différentes manières selon les époques.
Par exemple, le « e » final, bien que toujours prononcé en ancien français, alors qu’il est devenu muet en français moderne, compte ou ne compte pas dans la mesure du vers, selon que l’on fait une césure « épique » ou une césure « lyrique » :

Le Jeu de Saint Nicolas (écrite par Jean Bodel, vers 1200, œuvre de commande par la confrérie Saint-Nicolas d’Arras, elle est la première pièce dramatique non liturgique en français) fait des césures épiques, le (e) final ne compte pas pour un pied :

« Seigneur el Dieu servich(e) soit hui chascuns offers »
[Seigneur, que chacun soit aujourd'hui prêt à se donner complètement au service de Dieu]

« Ne te recroire mi(e) mais serf encor(e) »
[Ne te décourage pas, mais continue à le servir]

On peut au contraire faire une césure lyrique, qui compte le e aujourd’hui muet comme un pied parmi les 12 :

« Douce dame / pregne vos en pitiez »
[Douce dame, ayez pitié]

Curieusement aussi les sons en diphtongue à l’époque comptent pour 1 seul pied. Alors que 2 voyelles accolées comptent pour 2 syllabes et donc 2 pieds :

Est-il tout purs si t'aït Dieus ?
Oïl foi que je doi saint Jake
[Est-il bien pur, de par Dieu ?
Oui, par la foi que je dois à Saint Jacques]

Dans ce vers,  « Dieus » est une diphtongue à l’époque, donc monosyllabique.  En revanche « Aït » (le trema est une convention d'édition moderne de textes anciens, pour marquer les 2 voyelles accolées) est le subjonctif présent de « aidier », et compte pour 2 pieds pour les 2 voyelles accolées.

L'hiatus (succession de deux voyelles appartenant à des syllabes différentes, soit à l'intérieur d'un mot ou à la frontière de deux mots) est toujours admis dans la versification de cette époque :

Ge l'en crui et si fis que fous
[je l'en crus et me comportai comme un fou]

L'élision est systématique pour les mots de plusieurs syllabes :

Ge criem qu'il ne me fac(e) ennui
[Je crains qu'il ne me nuise ] (Le Roman de Tristan).

Mais la particularité la plus marquante de la chanson de geste à partir de l’an 1000, c’est l’organisation des vers en "laisses", une laisse étant une séquence de vers finissant tous par la même assonance (dernière voyelle porteuse de l’accent tonique). La laisse est courte (de 10 à 20 vers) dans les chansons anciennes, mais compte jusqu'à 200 vers au 12ème siècle. La laisse est donc une unité d’asonance,  mais constitue également une unité du point de vue du récit, et également du point de vue de la mélodie de la récitation. En voici un bel exemple tiré du Livre XXI de la Chanson de Roland (Chanson de geste en langue anglo-normande du 11ème, dont l’auteur nous est inconnu), dont tous les vers sont en asonance « ie ».

Guenes respunt : "Pur mei n'iras tu mie.
Tu n'ies mes hom, ne jo ne sui tis sire
Carles comandet que face sun servise
En Sarraguce en irai à Marsilie
Einz i ferai un poi de legerie
Que jo n'esclair ceste meie grant ire."
Quant l'ot Rollant, si cumençat a rire.

Chanson de Roland (Manuscrit d'Oxford, dernier feuillet)


Si les chansons de geste anciennes sont asonancées, la plupart des autres textes sont rimés seulement. Et la rime médiévale n'est pas aussi riche que la rime classique plus tardive, et ne se distingue souvent de l'asonance que parce qu'elle n'est pas indéfiniment répétée. Toutefois, elle suppose normalement a minima l'homophonie de la voyelle et de la dernière syllabe tonique. Mais ce principe de rimes est traité avec beaucoup de liberté, dans les textes comme dans Chrétien de Troyes (« Erec et Enide ») : Il fait ainsi rimer « asis » avec « venist »  et « puceles « avec « soner ».

Un dernier très bel artifice poétique est communément utilisé au 12ème siècle, il s’agit de la « rime mnémonique ».  La rime mnémonique est destinée à faciliter les enchainements des séquences propres aux différents acteurs : Chacun termine sa tirade sur un vers qui laisse la rime en suspens, et appelle la rime du 1er vers de la réplique suivante, par un autre acteur. Comme si ceux-ci se passaient tour à tour la rime. Par exemple dans le  « Le jeu de Saint Nicolas » :

Cliquet :
En ai je trois poins plus de ti ?
Pincedes :
Met jus les deniers, je t'en pri
Ains que li casee m'esmoeve.
Cliquet :
Maudehé ait qui che me roeve.
Il semble que cet artifice aurait été poussé par les jongleurs, quand ils prirent le relais des clercs dans les compositions dramatiques, au début du 13ème, lors de ces représentations publiques qu’on appelle « mystères » aujourd’hui.


vendredi 9 février 2018

Racine carrée de (-1)

Il faut que tous les gens intéressés à la question de l'éducation des enfants regardent cette vidéo TED.

Assez fascinant ...

Alice et moi comprenons parfaitement l'ambivalence beauté/complexité de la racine carré de (-1). 

jeudi 8 février 2018

Farewell Starman

Sacré bonhomme quand même, le propriétaire de ce cabriolet parti vers Mars.

Le cabriolet rouge d'Elon Musk
catapulté vers Mars
par la fusée Falcon Heavy
de SpaceX

Je suis toujours envieux pour la France de ce que les Américains arrivent à faire, quand ils donnent le meilleur d'eux-mêmes.

vendredi 2 février 2018

Les rois maudits

Nous avons étudié hier soir à l'Ecole des Chartes une lettre du 14ème siècle, écrite par Enguerrand de Marigny à la Comtesse Mahaut d'Artois.

La signature en bas du document dit "Engeran de Marregny Vostre chevalier".



Moment d'émotion pour tous les enfants de France, grandis comme moi à la cour de Philippe IV, avec les Rois Maudits.