jeudi 29 juillet 2021

Bouglione

Un reportage Reporterre impressionnant au cirque Bouglione à Montpellier :

Près d’un siècle après ses premiers numéros, la famille Bouglione a décidé de ne plus utiliser d’animaux.
 
© David Richard/Reporterre

La famille Bouglione a cessé d’utiliser les animaux dans son cirque. Qui est aussi transformé écologiquement. 

Ces décisions courageuses ne font pas l’unanimité dans le milieu circassien mais les Bouglione espèrent que le public la suivra.

Coincé entre la route des plages et le centre commercial Odysseum, un chapiteau multicolore attire le regard. Le célèbre cirque Bouglione a posé tréteaux et gradins dans la périphérie de Montpellier, et patiente depuis de longs mois de crise sanitaire pour présenter son nouveau spectacle. Celui-ci sera finalement donné du 9 août au 19 septembre. Ce matin de juillet, l’équipe s’affaire donc en vue de la reprise tant espérée.

Deux employés ajustent les éclairages, tandis que d’autres s’activent sur une imposante machine à coudre. Assise à l’ombre de sa caravane, une circassienne fait des essais de maquillage devant son miroir.

André Bouglione, le dernier du nom, nous guide à travers les conteneurs bariolés qui abritent habituellement tigres, éléphants et dromadaires. Mais aujourd’hui, point de barrissement ni de rugissement : les cages sont étrangement calmes. « Les conteneurs sont vides, sourit le trentenaire. Ils accueilleront des artisans et des petits commerçants. » Près d’un siècle après ses premiers numéros, la famille Bouglione a décidé de ne plus utiliser d’animaux.

Sous le chapiteau, c’est le père, André-Joseph, qui prend le relais. Il désigne un immense écran de tulle, installé au fond de la scène. « Le spectacle sera assuré à 100 % par des humains, mais nous projetterons des hologrammes d’animaux, en 3D, explique-t-il. C’est une manière pour nous de leur rendre hommage, après les avoir exploités si longtemps. »

« J’ai fini par comprendre que les animaux n’avaient pas leur place ici », dit André-Joseph Bouglione. 

Dans la famille, on est dompteur ou dresseur de père en fils, depuis six générations. « Mes ancêtres étaient montreurs d’ours, puis ils ont monté une ménagerie foraine avant de créer leur cirque dans les années 1920, raconte-t-il. Notre histoire est intimement liée aux animaux. » Lui-même a manié le fouet dès son plus jeune âge : « J’aimais mes fauves, et je ne comprenais pas ceux qui nous traitaient de barbares. »

De nombreuses associations alertent en effet depuis des années sur les maltraitances animales fréquentes dans le monde du cirque. Félins et éléphants « sont enfermés dans des cages aussi minuscules qu’inadaptées, enchaînés, exposés, soumis par les coups et la faim pour réaliser des spectacles dangereux et humiliants », décrit ainsi One Voice, qui a mené plusieurs enquêtes sur les conditions de détention de ces bêtes. « Le bien-être des animaux sauvages non domestiqués ne peut pas exister dans le monde des cirques ambulants, en particulier pour ce qui est de l’habitat et de la capacité d’exprimer un comportement naturel », affirme aussi l’organisation Peta. Des citoyens relaient régulièrement des pétitions pour demander la libération d’ours ou de lions, et certaines municipalités ont pris des arrêtés anti-cirques.

« Je me suis demandé ce que je lui avais donné, à part une vie dans une cage. »

« J’ai fini par comprendre que les animaux n’avaient pas leur place ici, dit André-Joseph Bouglione. Nous étions des exploiteurs plutôt que des protecteurs. » C’était en 2016. « Un des tigres que nous avions depuis sa naissance est tombé très malade, et nous avons dû le piquer… ç’a été le déclic, se rappelle le circassien, la voix encore nouée par l’émotion. Je me suis demandé ce que je lui avais donné, à part une vie dans une cage. » En quelques mois, il mit ses animaux à la retraite, dans un refuge, et réfléchit à un nouveau spectacle 100 % humain. Le virage n’a pas étonné son fils, ancien voltigeur équestre, reconverti au diabolo : « Il y a eu une prise de conscience collective parmi la famille, se remémore André, ça s’est fait naturellement. »

Agathe (et une de ses filles) pratiquait la voltige à cheval. Aujourd’hui, elle présente un numéro de cerceau aérien. Son cheval coule une vie paisible en Normandie.

La décision fit en revanche grincer les dents de ses confrères : « On a reçu des injures, des menaces de mort, certains membres de ma famille m’ont dénigré, se souvient André-Joseph. Ça a été pris comme la pire des trahisons. » Pour ne rien arranger, le premier spectacle monté par le désormais ex-dompteur, en 2017, fut un fiasco : « Les gens venaient voir du Bouglione, ce qui voulait dire, dans leur esprit, des fauves… ils repartaient déçus ! »

Aiguillés par leur nouvelle fibre animaliste, André-Joseph et sa compagne Sandrine ont peu à peu poussé leur réflexion écolo. « En se questionnant sur les animaux, on s’est rendu compte que sur beaucoup de points, notre cirque était devenu anachronique », dit-il. Exit les 40 camions nécessaires pour transporter chapiteau et matériel ; tout est désormais stocké dans des conteneurs transportables par train ou par péniche. Exit également les deux groupes électrogènes polluants ; les Bouglione se raccordent au réseau — une exception dans le monde du cirque itinérant — et se fournissent auprès d’Enercoop. « Il nous a aussi fallu repenser les représentations, qui auparavant étaient articulées autour des numéros d’animaux, précise M. Bouglione. Les fauves rythmaient le spectacle, ils étaient les meilleurs artistes… »

La nouvelle création de la famille, présentée à partir du 9 août, regroupe ainsi 26 circassiens internationaux — lanceuse de couteaux, trapéziste Washington, « homme-fort » — et reprend les classiques du cirque traditionnel. « On a choisi les meilleurs artistes, mais on espère que le public suivra », dit André. Les Bouglione ont investi 2,6 millions d’euros dans leur « écocirque ».

Leur mue semble aller dans le sens de l’histoire : le 29 septembre 2020, la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili annonçait la « fin progressive de la présence de faune sauvage » dans les cirques itinérants. Félins, singes, ours, éléphants, loups… En France, ils sont 700, dont 500 fauves. Dans la foulée, une proposition de loi « contre la maltraitance animale » a été présentée à l’Assemblée nationale en janvier dernier, reprenant les annonces de la ministre. Elle doit être discutée au Sénat à l’automne. L’Hexagone ne serait pas le premier pays à bannir de telles pratiques : l’Autriche, la Bolivie, la Finlande, Singapour et la Suède ont déjà interdit l’exploitation des bêtes sauvages dans les cirques.

André-Joseph Bouglione l’assure : quoi qu’il arrive, il ne reprendra pas d’animaux. « Il n’y a pas de plan B, il faut savoir aller de l’avant, dit-il. Dans l’histoire du cirque, les clowns sont souvent d’anciens acrobates ou dompteurs "à la retraite" ; savoir se recycler fait partie de notre ADN ! » La famille entend démontrer que le cirque traditionnel peut (et doit) se passer de fauves… tout en continuant d’attirer les foules.

Après cinq semaines dans la capitale languedocienne, leur petite troupe partira en tournée à travers l’Europe.

A propos des Ecoles de Commerce

Un article impressionnant de Usbek & Rica, avec lequel je suis complètement d'accord : 

Gabriel Malek - 29 juillet 2021 - Usbek & Rica




Dans quelle mesure les étudiants en écoles de commerce, qui ne croisent jamais ou presque la route d’un sociologue ou d’un écologue le temps de leur cursus, peuvent-ils nous sortir de l’urgence environnementale ? 

Dans cet article, Gabriel Malek, lecteur-contributeur régulier d’Usbek & Rica, imagine comment adapter ces établissements aux besoins de notre temps.

Alors que les catastrophes climatiques s’abattent avec fracas, entre feu et eau, sur les pays occidentaux, des voix s’élèvent aujourd’hui pour décrier l’inaction flagrante d’une classe politique paralysée par ses propres obsessions sécuritaires et néolibérales. Issus de la société civile, des mouvements aussi spontanés qu’hétérogènes revendiquent la mise en place d’un système plus juste socialement et respectueux de la nature. Face à un modèle consumériste à la dérive, uniquement guidé par des objectifs financiers très éloignés des besoins de l’économie réelle, la convergence des luttes sociales et écologiques apparaît chaque jour davantage nécessaire et souhaitable. 

Si saugrenu que cela puisse paraître aux chantres de la start-up nation, promouvoir un système économique au service des communs (et non d’une vaine recherche de profit) est la seule issue soutenable pour la Terre et les humains. Un tel modèle célèbrerait la protection de la biodiversité et le bien-être de la population plutôt que la création de valeur économique en elle-même. Imaginer un tel bouleversement de paradigme reste pourtant chimérique, les grands horlogers du système actuel étant formés dans les écoles de commerce, antichambres à bien des égards des dérives néolibérales actuelles.

Quand bien même les écoles de commerce chercheraient à se réformer, il serait aberrant de les considérer comme les lieux où sera pensé le monde de demain

On apprend avant tout dans ces écoles à être un rouage idéal du système actuel, tout en réprimant les pensées atypiques. Maurice Midena, auteur de l’ouvrage "Entrez rêveurs, sortez managers" (La Découverte, 2021), et avec lequel Usbek & Rica s’est entretenu en février dernier, souligne l’homogénéité du corps étudiant de ces écoles (49,9 % enfants de cadres supérieurs contre 4,5 % d’enfants d’ouvriers) et met en lumière la pensée unique et délétère qui naît de cette endogamie.
Alors qu’ils sont « moins engagés que les jeunes de leur âge », on enseigne aux étudiant d’écoles de commerce le bien-fondé de l’enrichissement personnel, de la compétition permanente, tout en entretenant la fable du mérite individuel dans un système structurellement inégalitaire. En résulte une assourdissante absence de débats politiques, qui « laisse la place à l’idéologie dominante dans cet environnement social : le capitalisme et le néolibéralisme  ». Pourquoi s’embarrasser d’une réflexion critique lorsqu’on va évoluer dans un système économique qui fera de nous ses premiers privilégiés ?

Si ce texte ne cherche en aucun cas à pointer du doigt l’ensemble du corps professoral et des étudiants des écoles de commerce, dont certains sont véritablement engagés, il est clair que ce n’est pas de là qu’émergeront les nécessaires changements de paradigme. Les initiatives individuelles, même vertueuses, prisonnières d’un système guidé par la performance économique, voient leurs résultats se détourner de l’objectif recherché. Ce qui est en cause ici n’est évidemment pas l’individu, mais bien l’institution elle-même. C’est le concept même d’écoles dédiées au consumérisme qui pose problème. Quand bien même ces dernières chercheraient à se réformer, il serait aberrant de les considérer comme les lieux où sera pensé le monde de demain.

La lutte contre la mise en compétition permanente des élèves et leur valorisation outrancière en tant que présumée élite impliquerait une mixité sociale bien plus conséquente qu’aujourd’hui

Si tant est que nous conservions l’élitiste système des grandes écoles (certains travers des écoles de commerce étant partagés par d’autres établissements) il faudrait radicalement en modifier les principes fondamentaux. Concentrons-nous d’abord sur le nerf de la guerre : le financement. La grande majorité, sinon l’intégralité, de ce dernier doit être public, seul garant d’une véritable indépendance. Pour ce qui est du financement privé, ce dernier pourrait exister mais de manière minoritaire et sous des conditions extrêmement strictes de non intervention dans la vie académique de l’école. Une telle politique demanderait un investissement bien plus conséquent de l’État et des collectivités, justifié par l’importance d’un secteur on ne peut plus déterminant pour l’avenir du pays. 

En découlerait logiquement une nouvelle gouvernance au sein de laquelle professeurs, chercheurs et étudiants occuperaient une place centrale et décisionnaire. L’administration, quant à elle, serait plutôt reléguée à une fonction opérationnelle. Cette véritable démocratie d’école s’appuierait largement sur des consultations avec les parties prenantes externes, comme les associations ou les entreprises, afin de conserver un lien étroit avec les besoins écologiques et sociaux de l’économie réelle. Cependant le programme d’étude en lui-même serait défini en premier lieu par les professeurs et les chercheurs, avec une participation active des étudiants, porteurs d’une vision écologique et sociale de la société. 

Dans ces écoles, l’enseignement serait donc lui aussi bien différent. Il faudrait y inculquer des représentations collectives de la réussite, ouvrir les étudiants à la sociologie, rendre désirable la décroissance du modèle consumériste, etc. La lutte contre la mise en compétition permanente des élèves et leur valorisation outrancière en tant que présumée élite impliquerait une mixité sociale bien plus conséquente qu’aujourd’hui. Somme toute, l’éducation y serait radicalement différente, mettant à l’honneur les idées de sobriété face au technosolutionisme, à travers l’implémentation de nouveaux outils conceptuels au service d’une performance écologique et sociale.

S’il faudra bien des aventuriers pour créer les organisations du changement, les notions d’entrepreneur individualiste, de management arrogant ou de leaders vivent, espérons-le, leurs dernières années. À moins d’une transfiguration éminemment radicale, les écoles de commerce demeureront ainsi le dernier bastion de l’enseignement supérieur au service d’un système néolibéral à bout de souffle.

Gabriel Malek





mercredi 28 juillet 2021

Dominos

 Un autre sujet d'étude pour les jeunes : Le Dominotor.





Merveilleusement futile.




mardi 27 juillet 2021

Drones

 Ca c'est un sujet d'étude pour les jeunes :



Et pour ceux que les détails techniques intéressent, quelques paraboles ICI


jeudi 22 juillet 2021

Peau à peau

Cette appellation, qui sonne comme un appel des civilisations premières, est justement une magnifique technique probablement ancestrale :

Le peau à peau diminue la mortalité des bébés prématurés.

Tous les parents qui ont pratiqué la méthode kangourou autrement appelée dans les maternités « peau à peau » se souviennent de ce moment privilégié et unique avec leur enfant. Nu, il est placé sur le torse des parents. Et pour les sages-femmes, c’est une technique qui permet de réguler la température du nouveau-né mais aussi le rythme cardiaque et respiratoire. Il est aussi réputé pour favoriser l’allaitement.



Et les bienfaits médicaux sont nombreux. Véronique Pierrat  expliquait en 2014 au Figaro : «On s’est rendu compte que cette technique réduisait le risque d’apnées et de bradycardies, mais aussi que la stabilité du sommeil et de la température corporelle du bébé était améliorée».

Une nouvelle étude scientifique qui vient d’être publiée dans New England Journal of Medicine ajoute qu’elle permet de réduire la mortalité des bébés prématurés de 25%. 

Les auteurs de l’étude précisent : « parmi les nourrissons, dont le poids de naissance se situe entre 1,0 et 1,799 kg, ceux qui ont bénéficié du « kangaroo mother care » immédiatement, avaient une mortalité plus faible à 28 jours que ceux qui ont reçu des soins conventionnels avec le « kangaroo mother care » initié après stabilisation. »

Et dire que pendant ce temps, certains étudient le marketing, la mode ou les tendances de consommation.


vendredi 16 juillet 2021

Un monde qui change pour le pire

Le fonctionnement des écosystèmes, spécialement dans les domaines industriels à forte composante informatique, a beaucoup changé, au cours des dernières décennies.

Le bon vieux paradigme de la compétition industrielle à l’ancienne, dans lequel chaque acteur cherchait à gagner, d’année en année, des parts de marché sur la concurrence, dans des marchés relativement stabilisés, est révolu.

A l’époque, les marchés étaient cantonnés à des envergures nationales. Un service commercial qui décidait d’attaquer un nouveau marché étranger, commençait par étudier de manière fine les spécificités locales, notamment les aspects juridiques, et établissait un cahier des charges de spécificités locales, dans le but d’adapter le produit maison à ce nouveau marché. Ensuite, des commerciaux locaux étaient embauchés, dans une structure juridique locale créée pour l’occasion, pour sillonner le terrain, et présenter le produit aux indigènes dans leur propre langue. Si le nouveau marché s’établissait bien, on envisageait, à terme, d’ouvrir une usine de fabrication dans le pays même, pour rapprocher la fabrication du produit de ses consommateurs locaux.

D’année en année, les prix des produits avaient tendance à baisser, des investissements industriels réguliers étant faits pour augmenter la productivité, améliorer les processus de production, et au final abaisser les coûts de production. C’est ainsi que l’on agrandissait son marché, en le rendant plus accessible à plus de consommateurs potentiels.

Les ouvriers, contremaitres et ingénieurs qui travaillaient dans les usines développaient une vraie expertise, avec les années. Ils fondaient une famille et élevaient des enfants, souvent ancrés pour plusieurs générations dans le tissu local de la ville.

Le patron disposait d’une belle fortune à la fin de sa vie, soit en vendant son usine à un grand groupe, soit en la cédant à ses enfants, qui pouvaient parfois à leur tour faire leur vie comme patron, parfois.

Mais maintenant

Mais maintenant, les conditions des marchés ont dramatiquement changé, bouleversant le fonctionnement de la société, qui n’avait vraiment pas besoin de ça, avec les catastrophes écologiques qui s’accumulent.

Winner takes all

Un marché concurrentiel n’a plus vraiment le temps de s’établir : Très rapidement, dans chaque marché de nouveaux produits, un acteur seulement domine le marché au point d’en rafler l’essentiel de la valeur ajoutée. Son produit n’est pas vraiment meilleur que celui des concurrents étrillés, sur le plan technique, l’engouement de la demande se fondant sur des critères très subjectifs comme un design réussi, ou un marketing très actif.


Formation du prix aberrante
Du coup, cet acteur « very much in the demand » n’a aucune motivation à faire baisser son prix de vente. Au contraire, il est normal pour lui de s’efforcer de monter en gamme, et donc en prix, de manière continue. Ainsi, assez rapidement, le produit en question devient un produit de luxe, réservé à une population d’afficionados (appelés geeks depuis le XXième siècle), qui suivent les yeux fermés, faisant fi de l’obsolescence réelle du produit, et achetant tous les ans, par pur snobisme, le produit dans son nouveau millésime.


Rupture avec le travail
Les produit technologiques en question ont nécessairement une très forte composante informatique : tout est informatique au XXIème siècle. Les voitures électriques, qui vont progressivement remplacer les voitures diesel ou essence, ne représentent plus un chef d’œuvre de mécanique et éventuellement d’électronique comme dans les années 2000. Elles sont réduites à un gros moteur électrique (simplissime sur le plan mécanique) et une immense puissance de calcul algorithmique (pour le logiciel d’auto conduite par exemple). Du coup, comme dans tout produit informatique, il est le fruit du travail d’une équipe très réduite, qui sera en mesure de dupliquer à l’infini son « code », sans construire vraiment de cosme, même micro : Une killer-app sera habituellement fabriquée par une équipe de moins de 1000 informaticiens, et sera utilisée dans le monde entier à des millions, voire des milliards d’exemplaires. 

Résultat, des groupes entiers de mécaniciens très compétents vont perdre leur emploi au cours des années, des populations entières de jeunes arrivent sur le marché mais sont au chômage de manière durable, sans formation utilisable, et sans réelles perspectives.

Mais tous ne rêvent que de s’acheter le futur IPhone 27 surfacturé, qui permet de regarder une vidéo en très haute qualité dans l'ascenseur d'un parking souterrain.


vendredi 9 juillet 2021

L'indécence de certaines Start-Up

Je suis complètement d'accord avec cette lettre Vice de Julien Dubedout, sur l'indécence du modèle d'affaires de certaines Start-Ups, qui abusent de stagiaires pas payés :

Start-up françaises qui piétinez le code du travail, vous devriez avoir honte : La French Tech, c'est bien souvent un modèle entrepreneurial du XIXe siècle habillé avec les buzzwords du XXIe.

Par Julien Dubedout 

Il y a 3 jours, un article du Monde a attiré mon attention. Il parlait d'un nouveau mode de travail dans une hacker house, une maison qui héberge des projets de startups, où les gens habitent et travaillent sans compter leurs heures ni même leurs jours.

Je me suis ému dans un billet du fait que le patron de cette hacker house « assumait » embaucher des stagiaires et les faisait travailler 7 jours sur 7 jusqu'à tard dans la nuit pour des raisons de coût. Les réseaux sociaux se sont emparés de mon billet, qui a rencontré un certain succès et suscité pas mal de réactions.

Sans s'arrêter sur le cas anecdotique de cette hacker house il est intéressant de constater que de nombreuses entreprises ou start-up présentées comme « innovantes » dans la presse (souvent suite à une campagne de relations presse) ne le sont en fait pas tant que ça, voire reprennent tout simplement les bonnes vieilles recettes entrepreneuriales du XIXe siècle quand il s'agit d'organisation du travail ou de redistribution des richesses.

À quoi sert une entreprise ?

On peut voir la création d'entreprise comme un moyen de s'enrichir, mais il s'agit normalement de la fin, pas du moyen. Ce qu'oublient bien des entrepreneurs, dont on se demande s'ils ont réellement un business plan autre que celui qui consiste à « faire un max de thunes. »

Pour ces entrepreneurs, la vocation de l'entreprise est bien souvent secondaire ; ils se contentent de reprendre une idée à la mode aux États-Unis, de la convertir en un « elevator pitch » qui envoie du bois, puis essayent de lever des fonds.

Dans l'intervalle (surtout s'ils n'arrivent pas à lever de fonds), ils vont tenter d'être les plus rentables possible. C'est à ce moment-là que les dérives les plus hallucinantes se produisent. Bien souvent au mépris de la loi, ces boites recrutent alors des armées de stagiaires rémunérés au minimum légal en échange « d'une expérience de vie inédite. »

Dans leur façon de présenter les choses, tout le monde y gagne : la boite fait des économies et le stagiaire est en contact avec des personnes fabuleuses qui vont lui apprendre le monde du travail et lui assurer un avenir brillant (en commençant par ne pas le rémunérer, donc).

Le stage café/photocopieuse

Après avoir écrit mon billet, j'ai reçu beaucoup de réactions, souvent de la part de patrons embauchant des stagiaires, m'expliquant à quel point ma vision était étriquée. Apparemment, je ne comprenais pas que le stagiaire était « bien content » de faire ce genre de travail plutôt qu'un « stage photocopieuse » où il ne serait pas épanoui.

Cette image du stage photocopieuse revient très souvent pour justifier le fait de faire bosser un stagiaire à la place d'un salarié (ce que le code de l'éducation interdit). Ce stéréotype a la fonction de mythe ultime qui justifie tout, comme si le fait de travailler sur un projet cool avec des gens intéressants était incompatible avec le fait de recevoir un salaire décent.

Les stagiaires eux-mêmes ont intégré la leçon, et cette idée que les start-up leur offre une chance à côté de laquelle ils ne peuvent pas passer. Pour preuve, ce témoignage que j'ai reçu via Twitter :

« [Pourquoi] descendre des jeunes essayant de faire quelque chose de leur vie ? Perso je suis l'un des « exploités » dont tu parles, et j'ai jamais autant kiffé ma life et autant progressé dans ma vie. Les stages à 2 francs on m'en a proposé partout ailleurs. »

« Ici on vit, on trime pas. Je crée, je ne subis pas. J'ai une paie de stagiaire ? Je côtoie des gens brillants et j'apprends au quotidien. 200€ de plus par mois remplace le savoir ? »

Un témoignage intéressant. Le mec kiffe et c'est cool, mais quelque chose me dit que puisqu'il remplace un salarié, il pourrait encore plus kiffer avec un contrat de travail et le salaire qui va avec. Tout en travaillant avec les mêmes personnes. Il ne s'agirait pas de « 200€ en plus » mais bien d'un poste de salarié avec tous les avantages que cela implique.

« Tu t'en fous de ça ? Perso je me lève quand je veux, bosse, fais du sport, sors faire la fête, vois ma copine quand je veux. »

Là, on touche au sublime : oui, il est stagiaire, mais il peut sortir faire la fête et voir sa copine, alors ça va on est à la cool, osef des tickets restos et autres avantages de salariés (tip : être salarié n'empêche pas de voir sa copine et de faire la fête, en plus d'être payé).

« On est payés. Il n'y a que les fondateurs qui ne touchent pas de salaire. »

On finit en beauté avec un discours façon MEDEF parfaitement intégré. Ces fameux « fondateurs qui ne touchent pas de salaire. » Ça, c'est le truc qui revient tout le temps.

J'imagine mal la dose de cynisme nécessaire pour convaincre ton stagiaire que tu possèdes à 100% la boite pour laquelle il travaille quasiment gratuitement et génère de la valeur, pendant que lui est payé 554€ par mois, mais que toi « tu n'es pas payé. » Le patron travaille pour la gloire et pour aider les stagiaires. C'est beau.

Tous ces gens ont l'air d'oublier que jadis on avait ce qu'on appelait « les débutants, » ces travailleurs qualifiés, embauchés après leurs études et formés au sein de la boite qui les employait. Mais c'est sûrement un modèle trop dépassé. Pas assez innovant.

Si c'est une question d'investissement dans l'entreprise et de manque de liquidités, rien n'empêcherait les généreux fondateurs de s'associer avec les personnes dont les compétences leur sont utiles, voire de créer une entreprise sur le modèle de la SCOP. Mais bizarrement, c'est toujours la voie du « on s'emmerde pas et on prend des stagiaires » qui est privilégiée.

Assistanat

En 2e position dans les remarques outrées, j'ai reçu des messages de patrons qui se plaignaient qu'eux faisaient des choses, peut être illégalement, peut être n'importe comment, mais des choses quand même. « Contrairement aux assistés qui ne font que demander. » (#CeuxQuiFont).

Il est important de revenir sur ce point et d'essayer de comprendre à quel point ce paradigme est absurde.

Si on résume, ces gens disent « créer des entreprises » mais « ne pas faire d'argent » et « ne pas pouvoir se payer. » À les entendre, ils se sont lancés sans planifier quoi que ce soit et leur boîte ne sert à personne, même pas à eux. On ne parle pas des nombreuses boîtes qui galèrent au début de leur existence, mais de celles dont la situation est structurellement faite pour durer dans l'attente d'une valorisation ou d'un rachat.

Mais comme ces entreprises « se lancent, » elles ont besoin qu'on les aide :

- Les stagiaires leur offrent leur force de travail et leurs qualifications quasi gratuitement.
- Elles bénéficient d'une main d'œuvre qualifiée à bas coût grâce au système scolaire français largement gratuit.
- Elles bénéficient des exonérations de cotisations offertes par l'État (sur les gratifications de stage par exemple).
- La loi doit jouer en leur faveur (et il est courant de ne pas la respecter car elle est toujours « trop contraignante »).
- Si possible, elles touchent la pléthore d'aides aux entreprises comme le CIR ou les dispositifs JEI.
- Elles bénéficient d'infrastructures publiques (routes, haut débit, couverture mobile).

Du coup, qui est l'assisté ? Pourquoi ces boîtes qui ne se donnent même pas la peine d'investir dans leur propre projet se voient qualifiés d'innovantes ? Juste parce qu'elles ont une app mobile ou une idée « originale » ? Et pourquoi ce sont ceux qui ne veulent pas travailler gratuitement pour eux qui seraient des assistés ? Quelqu'un peut m'expliquer comment on en est arrivés là ?

Le guichet de la SNCF

Évidemment, dès que je pointe ces faiblesses d'argumentation, on me répond qu'il faut que des gens entreprennent et que « tout le monde n'a pas envie de travailler derrière un guichet à la SNCF et de compter ses heures. » Encore une fois, pas de demi mesure, soit vous êtes un entrepreneur (incompris) qui révolutionne le monde (sort of) soit vous êtes un vilain syndicaliste qui travaille à la SNCF (sûrement aux 35h, brrr).

Ces gens ne comprennent pas qu'il existe un intermédiaire : un tissu d'entreprises qui n'ont pas de pitchs digne d'un épisode de Silicon Valley, mais qui se donnent tout simplement les moyens de leurs ambitions en faisant les choses correctement, en respectant les réglementations de leur secteur, en embauchant et payant les gens. Personne ne reproche aux entreprises de gagner de l'argent, il faut juste le faire de manière décente. Pour certains, la limite est assez floue, et si l'on émet la moindre critique c'est pour se voir répliquer « qu'on ne peut pas faire d'argent en France. »

Ceux sont eux les vrais entrepreneurs de ce pays, ce sont eux qu'il faut soutenir, et non pas les rigolos qui n'ont rien à vendre et dont le seul but est d'être valorisés un maximum avant de revendre leurs parts à une grosse entreprise.

Non il n'est pas « mal vu de parler d'argent en France, » sauf quand on fait n'importe quoi pour en gagner, au mépris des règles.

Il est d'ailleurs comique de voir tous les politiques se bousculer au portillon de ces « entreprises innovantes. » Trop flippés de louper la dernière grosse innovation et de ne pas être sur la photo, ils vont encenser des business plans moisis et féliciter des boîtes qui violent les lois qu'ils ont pourtant votées.

On ne peut plus innover tranquille !

Dans ce grand cirque, il est très mal vu d'être celui qui va s'exclamer « le Roi est nu, » car il ne faut surtout pas le spectacle s'interrompe ; la France doit être une grande puissance du numérique avec des dispositifs comme la FrenchTech (ne me lancez pas là-dessus), à n'importe quel prix.

Peu importe que l'idée soit nulle, que la boîte fasse n'importe quoi, que ça écrase des secteurs entiers de l'économie sans pour autant les remplacer (le grand mythe du remplacement de valeur qu'on attend encore de voir s'accomplir pour Uber ou Airbnb par exemple), que ça précarise toute une partie de la population qui sera ensuite à la charge de l'État alors que l'entreprise n'aura payé aucune cotisation car embauché personne. Il faut avoir l'air INNOVANTS.

Ces patrons qui vous expliquent doctement que la loi n'est pas adaptée à leur super modèle et que s'ils ne l'enfreignaient pas « ils ne pourraient rien faire, » méritent-ils vraiment autant de médiatisation positive ? Pourquoi les journaux leurs servent-ils autant la soupe en recopiant docilement leurs communiqués de presse ?

Tout le monde peut avoir une idée illégale pour faire de l'oseille, ça ne fait pas d'eux ce flocon unique qu'il faudrait préserver à tout prix. Quand on parle de ce genre d'entreprises, il y a une prime au n'importe quoi ; plus c'est fou, plus ça passe.

La juste redistribution

Quand on y regarde de plus près, il ne s'agit donc pas d'un défi moderne, mais d'un problème vieux comme le monde : des personnes qui cherchent à s'accaparer le maximum de profits avec le minimum d'investissement. Et pour ça, ils ne vont pas hésiter à allier modernité et tradition (comme on dit dans la com') pour aller pêcher les plus grandes trouvailles du XIXe siècle : contrats à la journée, contrats de louage, faire travailler des « indépendants » qui ne dépendent que d'eux-mêmes et n'ont donc pas de protection sociale, ou carrément loger au sein de leur maison du personnel qui travaillera pour eux 7/7j sans compter ses heures.

Tout cela n'est pas de l'innovation, c'est la simple résurgence d'une très vieille recette : l'exploitation de l'homme par l'homme.

30Km/h c'est une accélération

La circulation des véhicules sera limitée dans Paris, dès fin août, à 30 km/h.

Seul le périphérique, les boulevards des Maréchaux et quelques axes échappent à cette limitation (et restent à 50 km/h).


Cette annonce a été faite jeudi 8 juillet à l'AFP par l'adjoint aux transports et à la voirie de la maire socialiste Anne Hidalgo, David Belliard (Europe-Ecologie-Les Verts).

Cette mesure, prise en concertation avec la préfecture de police, vise :

  • d'abord à améliorer la sécurité routière,
  • à faire "baisser les nuisances sonores" et 
  • à "adapter" la ville au changement climatique, a fait valoir l'élu écologiste. 
Aujourd'hui, 60% de la capitale doit déjà respecter cette limitation.

Selon les calculs de l'Observatoire des déplacements à Paris, la vitesse moyenne d'une voiture dans la capitale était de 11,6 km/h en 2019 et de 30,9 km/h sur le boulevard périphérique. Mais la vitesse moyenne ne veut pas dire grand chose pour un déplacement de quelques kilomètres, parfois moins.



C'est une excellente nouvelle, et je félicite Madame la Maire de l'avoir négociée :

Heurté à 30km/h par une voiture, un cycliste casqué part à Bégin.
Heurté à 50km/h, il part à Pantin.

mardi 6 juillet 2021

Veritasium

 Ou la sidérante beauté de YouTube bien tempéré :

Peut-on aller plus vite que le vent qui vous pousse par l'arrière ?




Et le pari à 10,000 $ entre physiciens sur la question : Oui !







Transavia post Covid

 Je pensais, naïvement, que post-Covid, on ne verrait plus de telles publicités :




Il faut vraiment que la loi oblige les compagnies aériennes à intégrer le coût du CO2 produit, dans le prix ridicule du billet. 

C'est assez que les happy few gaspillent le bien commun ...




 

AI aie !

Heureusement que le ridicule ne tue pas, car je lis dans Le Figaro ce matin :

Les Français imposent leur savoir-faire dans l'analyse de données pour les clubs de foot.
L'analyse des données est devenue primordiale dans le secteur du football professionnel. Prédiction de la trajectoire d'un joueur, nombre d'accélérations ou encore aide au recrutement, l'intelligence artificielle (IA) accompagne les clubs pour améliorer leurs performances.

Bien barrée la France, avec ce "savoir-faire" en AI. 




dimanche 4 juillet 2021

Ever heard of LIFI ?

 Gifi, oui ...

Wifi, oui ...

Rififi, aussi ...

Mais LIFI ?

Get ready ... here.


L'astrolabe pour tous

Il faut regarder cette TED magique, qui explique en des termes clairs, le principe de fonctionnement de l'astrolabe, cet ordinateur qui nous vient de la nuit des temps : 

La TED de l'astrolabe