samedi 11 août 2018

Dodécaèdre celte

(Ajout du 29/09/2018 : Cet article est à lire en lien avec Carved Stones Balls)


On connait environ une centaine de ces Dodécaèdres (objet à 12 faces) de bronze, datés entre le 2ème et 4ème siècle de notre ère, mais dont on n'a aucune idée de la finalité ou de l'usage :



Ces dodécaèdres ont tous une taille de 3 à 10 cm, et pour l'essentiel sont creux, même si quelques exemplaires sont pleins.

Tous ont des faces pentagonales (et donc 20 sommets), et des petites boules en applique sur les sommets des faces.

Presque tous ont les faces perforées de trous circulaires ou ovoïdes.
Et les 12 trous d'un Dodécaèdre ne sont jamais identiques, toujours de tailles différentes.
Parfois toutefois, ces trous sont de tailles identiques ou proportionnelles sur 2 faces en opposition.
On a noté que les trous sont parfois en proportion avec les doigts humains. Mais pas toujours.

Et on ne sait pas du tout à quoi servaient ces Dodécaèdres …

Aucun texte d'époque ne les mentionne (même si la philosophie néo-platonicienne en vogue à cette époque, fait largement appel aux figures géométriques), ni a fortiori n'en d'écrit l'usage.


3 usages représentent les interprétations les plus plausibles : 
  • Un objet à signification symbolique ou religieuse, les 12 faces représentant les 12 signes du zodiaque
  • Une sorte de dé à 12 plutôt que 6 faces, servant dans un jeu inconnu.
  • Une forme de télémètre militaire, servant à mesurer des distances, par observation de la taille relative d'objets connus au travers des trous de 2 faces en opposition.

Mais des arguments sont légitimement opposables à chacune de ces hypothèses :
  • Aucun Dodécaèdre ne porte d'inscription permettant d'associer 1 face à 1 signe spécifique du zodiac,
  • Les trous des faces étant toujours de taille différente, l'objet n'est pas équilibré, toutes les faces ne "sortiraient" pas selon le hasard, donc l'usage en dé semble compliqué.
  • Si l'objet était militaire ou topologique, il n'en n'existerait qu'un nombre limité de variantes normées, alors que l'hétérogénéité est la règle.

De plus, on a trouvé ces Dodécaèdres dans les contextes archéologiques les plus variés : 
  • Tombe (de femme), 
  • fouille de temple, 
  • sol de villa, 
  • récipients et trésors métallurgiques, 
  • puits comblé, 
  • découverte fortuite en isolation … 
Ce qui en obscurcit encore l'interprétation.

D'ailleurs même l'appellation classique de "Dodécaèdre romain" est discutable. 

En effet, on n'a pas trouvé ces Dodécaèdres dans tout le pourtour du bassin méditerranéen, c'est à dire sur l'ensemble de l'extension de l'empire romain à la période considérée. A contrario, on les a seulement trouvés dans le bassin de répartition des populations celtes d'Europe de l'Ouest (Angleterre, France, Pays-Bas, Belgique, Allemagne, Hongrie).
Pas un seul Dodécaèdre trouvé dans la présente Italie, par exemple.

Or on sait que la maitrise de la métallurgie était beaucoup plus grande chez les Celtes que chez les Romains. Et ces objets sont de véritables chef-d'oeuvres métallurgiques.

On suppose que la technique de fabrication consistait à :
  • produire 2 plaques de 6 faces accolées selon une disposition bien précise, par la technique de la cire perdue
  • puis à tordre les plaques pour les modeler en forme de sphéroïde creuse, 
  • enfin à souder les petite boules de bronze pour solidariser chaque sommet de 3 faces.
     
Disposition initiale possible des 12 plaques perforées

De plus, aucun Dodécaèdre connu ne porte la moindre inscription écrite.
Or les romains couvraient volontiers les objets, surtout les objets utilitaires, d'inscriptions et d'indications, notamment sur les mesures, ou sur le mode d'emploi, souvent sous forme d'abréviations latines codifiées.



Alors que les Celtes, au contraire, interdisaient l'écriture de leur langue. notamment dans le but de la réserver à une élite, mais également dans une démarche symbolique comparable à l'interdiction des représentations humaines dans les cultures sémitiques.

A cet égard, "Dodécaèdre Celte" serait donc un nom plus adapté …

Evidemment la grande période celte est bien antérieure aux dates mentionnées (du 5ème au 1er siècle avant notre ère).
Mais il faut garder à l'esprit que la datation de ces objets (du 2ème au 4ème siècle de notre ère, soit à l'apogée de l'empire romain) a été donnée par la date du … contexte archéologique dans lequel ils ont été trouvés (temple, villa, tombe ...).
Et non par une datation de l'objet lui-même  : la datation des objets métallurgiques est très difficile, et seulement réalisable (datation par luminescence) depuis quelques années.
Le Dodécaèdre pourrait donc être plus ancien que le puits romain comblé du 2ème siècle dans lequel il a été perdu ou jeté. De plusieurs siècles.




Exemplaire de Dodécaèdre des Collections Nationales
(Musée de Saint Germain en Laye)











3 commentaires:

  1. Je pencherais plutôt pour une machine à compter sumérienne. On leur doit déjà le système sexagésimal (en base 60) qui a donné la division du temps (sur un cadran solaire) et donc des secteurs angulaires en minutes.

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  2. Outre le fait que 60 a de nombreux diviseurs, il est très facile de compter sur ces doigt jusqu'à 60 : il suffit de désigner chaque phalange (12) de la main droite avec l'un des doigt (5) de la main gauche cela fait 5 x 12 = 60. De plus ces sphères à boules semblent être à la dimension de la main de l'homme. Elles me font passer aux osselets du dos de la main.

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  3. Complètement d'accord avec toi, Bruno.
    C'est un instrument de comptage de poche, pour compter les moutons d'un troupeau, ou les hommes d'une cohorte.

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