samedi 21 mars 2020

Corona 9/X : La peste de Milan

      Au cours de l'époque moderne, Milan a connu une grande épidémie de peste (en 1630). L'époque était encore à la chasse aux sorcières et les juifs de la ville constituaient un groupe qui allait être désigné comme fautif. Mais il n'y a pas eu de véritables émeutes car on a accusé deux pauvres malheureux d'avoir été les vecteurs premiers du mal qui rongeait la ville. Ces deux pauvres âmes furent donc châtiées pour calmer la colère qui montait du peuple. Les deux hommes servirent donc de boucs émissaires et furent écartelés et laissés pour mort sur une place publique de Milan, leur maison a été détruite et une colonne de l'infâmie a été érigée à sa place, détruite depuis et les malheureux réhabilités.
      Pour rappeler l'évènement et le rapprocher de la tentation moderne de trouver un coupable, ou un porteur premier de la maladie, le proviseur du lycée scientifique Volta de Milan, Domenico Squillace, a écrit une lettre ouverte aux étudiants où il les exhorte à relire l'un des auteurs les plus importants de la littérature italienne : Alessandro Manzoni. L'extrait est tiré du 31e chapitre de son livre de référence : I promessi sposi (Les fiancés (1821)) . Il s'intitule : "Imparate dalla peste" : apprenez de [cette épidémie].
      Domenico Squillace explique que dans ces pages il y a déjà tout : la certitude de la dangerosité des étrangers, la recherche de ce qu'on appelle aujourd'hui le patient zéro, la déconsidération des experts, la chasse aux responsables de la contagion, la razzia sur les biens de première nécessité, les prises de parole incontrôlées, les remèdes les plus absurdes, l'urgence sanitaire.
      Mais, plus qu'un exercice de littérature, l'idée du proviseur de Milan était de proposer de revenir à la rationalité, au moment où une sorte de psychose collective semblait s'abattre sur l'Italie. On pourrait aajouter le Decameron de Boccace qui a pour toile de fond la peste de Florence (XIVe s). Pour terminer, le proviseur de Milan rappelle que nous avons de notre côté la médecine moderne, ses progrès, ses certitudes, et la pensée rationnelle dont elle est la fille, pour préserver notre bien le plus précieux : notre tissu social, notre humanité.


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