Je lis dans Les Echos ce matin :
Les Echos, le 7 sept. 2025
La France débat avec passion sur son avenir énergétique à l'occasion de l'établissement de la feuille de route nationale à horizon 2035, la PPE 3 (Programmation Pluriannuelle de l'Energie). Mais en se concentrant sur l'offre, nous manquons l'essentiel : à court terme, la France n'a pas un problème d'offre, elle a un problème de demande. Trop faible, trop peu flexible. C'est en tout cas l'avis de nombreux experts et institutions. Sans nier les enjeux côté offre, RTE et la CRE soulignent que la faiblesse de la consommation et le déficit de flexibilités sont devenus des points clés du système.
Double peine
Pour le Haut-Commissariat à l'Energie Atomique (HCEA), nous courons droit à la catastrophe : « Le nucléaire ne saura pas […] moduler davantage. […]. Les moyens renouvelables actuellement mis en service et, pire, ceux programmés dans la prochaine décennie, seront très largement contraints de ne pas produire. Chaque actif nouvellement installé sera quasi échoué dès son inauguration. » Cerise sur le sinistre gâteau, la « hausse des prix de l'électricité […] retardera même l'électrification des usages et donc la décarbonation. »
Et le HCEA de conclure : « On risque en quelque sorte la double peine : plus de coûts, moins de décarbonation. Tous ces arguments poussent pour une orientation des efforts vers la demande et non sur l'offre de production électrique. »
Pourtant la PPE 3 prédit, comme une évidence, une hausse de 30 % de la demande en 15 ans, de 475 TWh en 2019 à 615 TWh en 2035, portée par l'électrification du parc automobile, la croissance industrielle et l'hydrogène. À ce stade, la réalité ne valide pas la prédiction : en 2024, la France a consommé 442 TWh d'électricité, soit moins qu'en 2019 !
442 TWh : C'est la consommation d'électricité en France en 2024, soit autant qu'en 2019.
Dans le même temps, notre production a atteint 539 TWh et nous exportons déjà autant que possible. La demande est insuffisante pour valoriser tout notre potentiel : c'est une perte économique pour la collectivité qui risque d'empirer.
Si la production continue d'augmenter sans que la demande ne suive, les coûts fixes se répartiront sur moins de MWh et les prix moyens monteront, ce qui dissuadera encore la demande : c'est le serpent qui se mord la queue.
Adapter la fiscalité
La première étape pour mieux valoriser notre production consiste à attirer des consommations industrielles pilotables et sensibles au prix : absorber l'excédent quand il est abondant (plancher aux prix très bas) et s'effacer quand le système se tend (plafond à leur propre demande). C'est exactement l'esprit des recommandations du régulateur.
L'industrie qui répond le mieux à ces critères est le minage de Bitcoin. La littérature scientifique récente l'atteste, et la réalité industrielle aussi : au Texas, depuis le blackout gigantesque de 2021, l'homologue de RTE, ERCOT, a encouragé l'implantation de mineurs jusqu'à près de 5 GW, l'équivalent de plusieurs réacteurs nucléaires. Depuis, malgré une demande en hausse, pas de black-out majeur. L'ancien président d'ERCOT a parlé de « bénédiction » pour le réseau.
Ce qui bloque aujourd'hui en France, au-delà d'une frilosité incompréhensible des pouvoirs publics, ce sont les taxes et le TURPE (Tarif d'Utilisation du Réseau d'Electricité Public) qui ne s'ajustent pas en temps réel et font barrière aux consommateurs désireux de valoriser les heures d'excédent.
Il est donc essentiel d'adapter la fiscalité en appliquant un taux réduit conditionnel et horaire, limitée aux consommations interruptibles éligibles et aux seules heures d'excédent (définies par un critère public et objectif). Les MWh additionnels, qui n'existaient pas sans la mesure, se consomment alors à un prix reflétant l'excédent. Ce faisant, ils n'affectent pas les recettes existantes de l'Etat, augmentent la marge des producteurs et peuvent réduire la pression sur les prix moyens pour tous via une meilleure absorption des coûts fixes.
Sans cet ajustement, seuls peuvent opérer les mineurs ayant un accès direct aux sites de production, ce qui leur permet d'éviter le TURPE.
La société du minage américaine MARA l'a bien compris : avec l'acquisition majoritaire de la filiale d'EDF consacrée aux sujets numériques, annoncée en août, ils seront les mieux placés pour contourner la fiscalité française. A la clé, un trésor estimé à plusieurs milliards d'euros par an (nos excédents), que nous laisserons les Américains exploiter plutôt que les entrepreneurs français.
Décarboner notre électricité, stabiliser le réseau, préserver notre souveraineté, notre sécurité d'approvisionnement, tout en réduisant la facture des Français : voilà la promesse du minage de bitcoin. Qu'attendons-nous pour l'implémenter ? Car pendant ce temps, au lieu d'encaisser, les Français payent.
Je ne suis vraiment pas impressionné quand je lis que la recommandation pour se débarrasser de notre électricité excédentaire serait de "miner du Bitcoin".
Le minage de Bitcoin est une aberration technique en sus.
Pourquoi distribuer à vile prix de la richesse électrique nationale à des parasites du système économique réel ?
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