dimanche 24 août 2014

Ceux que je suis (2) - Hic et Nunc

L'équivalence entre Espace Hic et Temps Nunc, ou plutot leur ambivalence, n'est pas qu'une complexe élucubration de physicien. C'est avant tout une expérience personnelle simple, souvent omniprésente à la conscience de l'individu.

Chacun attache, de manière innée d'abord, puis développée ensuite par ses choix de vie, plus de poids au plateau Hic ou au plateau Nunc de la balance : Tel individu ressentira d'avantage le poids du temps, sous la forme d'une nostalgie aigüe du passé par exemple, tel autre s'immergera au contraire dans la prégnence de l'espace, arpentant la terre de France, le ciel ou la mer.

Mais tous deux ne font que confronter leur finitude à la dimension qui les touche d'avantage, hic ou nunc.


Cette fusion recherchée, avec le temps ou avec l'espace, n'est pas sans ambiguité : elle présente deux faces, une d'attraction, le ravissement, une de répulsion, l'angoisse. Cette ambivalence est bien décrite par le concept anglais de "awe", ravissement dans la mesure du "awesome", mais dont le trop-plein vire au "aweful".

Autant on concoit bien que la nostalgie du temps qui passe puisse basculer rapidement à l'obsession, Proust ayant fait son oeuvre à ce sujet, autant on est moins familier avec l'idée de la charge émotionnelle quasi-angoissante, de l'espace environnant.


Pour ma part, les deux plateaux de ma balance personnelle sont très déséquilibrés : Le temps ne me pèse aucunement, mais l'espace pèse sur moi d'un poids incommensurable.

Les textes qui évoquent notre passage individuel sur cette terre comme aussi court qu'un instant d'éternité, comme une poignée de poussière aglomérée par un souffle, puis aussitôt dispersée par le vent, m'ont toujours paru relever de l'évidence, et ne provoquent chez moi aucune forme ni d'apitoiement ni de souffrance.


En revanche, les arpents de vigne que mes ancêtres ont cultivés pendant des générations, je ne peux les parcourir sans devoir m'arrêter et poser la main sur la terre, pierreuse et tiède, les yeux envahis de larmes.
Et c'est partout la même émotion sur cette terre de France, sanctifiée par l'effacement contraint mais consenti des générations passées et oubliées.

Je suis un arpenteur de France sans montre au poignet.


 


1 commentaire:

  1. Awesome et Awful : deux adjectifs contradictoires, un peu comme l'adjectif "formidable" en français, qui a perdu sa signification originelle par un affadissement du sens mais qui signifiait au départ (à la base comme disent les ados) : "qui inspire la crainte". En 1944, époque propice, Hergé l'utilise abondamment dans ce sens originel, par la voix de Tintin ou du Capitaine Haddock dans ses strips des 7 boules de cristal.

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