Guibert de Nogent est un moine du 11ème
Siècle (1055-1124) qui a écrit une chronique de ses jours (« de vita sua »).
Sa chronique, écrite en latin d’église, que l’on a conservée, est riche d’enseignements pour étudier certains aspects de la vie quotidienne
de l’époque des croisades, et de sa région d'origine, le Laonnois.
Jacques Chaurand, ce grand philologue, s’est par exemple penché sur les différentes appellations données aux villes du Laonnois, par Guibert dans sa chronique.
Noter que les villes de l’an Mille n’ont pas encore pris un nom qui se suffit à lui-même. Une forme ancêtre, tirée du Latin, et qui deviendra le nom futur, est encore accolée à un nom de la typologie de "ville" faisant préfixe.
Le cas de la ville de Laon, dernière capitale des rois carolingiens, elle-même, est symptomatique : Le nom de la localité est attesté sous les formes "ecclesiae Lugdunensis" en 549, "urbis Lugdune" au VIe siècle, "Leudunum" en 632, "Laodunum" en 680, "urbis loon" à l’An Mille.
Ce n’est qu’au 13ème siècle qu’y apparait la triphtongue [auo] ("Lauon"), qui n’est plus prononcée aujourd’hui : Laon est prononcé [Lan].
Ce nom "Laon" dérive d'un type toponymique gaulois fréquent qui se compose :
Jacques Chaurand, ce grand philologue, s’est par exemple penché sur les différentes appellations données aux villes du Laonnois, par Guibert dans sa chronique.
Noter que les villes de l’an Mille n’ont pas encore pris un nom qui se suffit à lui-même. Une forme ancêtre, tirée du Latin, et qui deviendra le nom futur, est encore accolée à un nom de la typologie de "ville" faisant préfixe.
Le cas de la ville de Laon, dernière capitale des rois carolingiens, elle-même, est symptomatique : Le nom de la localité est attesté sous les formes "ecclesiae Lugdunensis" en 549, "urbis Lugdune" au VIe siècle, "Leudunum" en 632, "Laodunum" en 680, "urbis loon" à l’An Mille.
Ce n’est qu’au 13ème siècle qu’y apparait la triphtongue [auo] ("Lauon"), qui n’est plus prononcée aujourd’hui : Laon est prononcé [Lan].
Ce nom "Laon" dérive d'un type toponymique gaulois fréquent qui se compose :
- du théonyme Lugus (c'est-à-dire Lug, dieu gaulois et celtique), et
- de l'appellatif celtique très répandu "dunon", latinisé en "-dunum" (« citadelle, enceinte fortifiée »). Ce mot celtique apparaît aussi en allemand sous la forme Zaun « barrière, clôture », qui a donné Zoll (Douane) par métonymie de mot concret (Processus par lequel on passe d’un mot concret à un mot conceptuel qui lui est proche : De « Barrière » à « Douane »). On en a conservé en français la finale -ton dans les noms de lieux, comme à Argenton, ce qui a aussi donné town « ville » en anglais.
Le sens global de "Laon" est
donc « forteresse de Lug ».
Aparté : Noter que Lug-dunum a aussi donné ... Lyon.
Aparté : Noter que Lug-dunum a aussi donné ... Lyon.
Chaurand recense 7 appellations chez Guibert pour désigner les lieux du Laonnois, par ordre croissant d’importance :
- Villae :
Il s’agit des domaines à la campagne, qui ont souvent donné nos villages. C’est quand la sécurisation des accès aux habitations est inexistante où se réduit à un simple poste de garde (Qu’on appelle « praesidium »). Mais noter que le nom « villae » a tendance à perdurer, même quand les remparts y apparaissent, car le terme directement hérité de l’antiquité est doté d’un fort prestige. - Municipium :
C’est un concept compliqué de liberté civique, car la réalité romaine d’origine s’est banalisée en français comme une appellation politique plus que urbanistique. Cette appellation se rattache aujourd’hui à toutes les villes en « Ferté » (Ferté sous Jouarre, ou Ferté Allais).
Guibert l’utilise de manière similaire à « castrum », c’est-à-dire des maisons regroupées au pied d’une maison forte ou d'une église (à l’an mille, le château n’est pas encore cette maison forte en pierre du 13ème siècle, et les moyens fortifiés s’apparentent encore beaucoup à des palissades d’inspiration romaine).
Il parait certain, d’après le sens des textes, que Municipum se durcit en oppidum, quand il se dote de remparts solides. - Castellum, Castrum, Oppidum :
Ces 3 appellations sont utilisées pour des petites concentrations de population à l’abri d’une muraille de bourg ou de château. - Civitas :
Civitas est une appellation réservée (Chez Guibert de Nogent) aux villes importantes comme les sièges épiscopaux. - Urbs :
"Urbs" n’est pratiquement pas appliqué aux villes du Laonnois, car dans la perception des intellectuels de l’an 1000, l’Urbs est unique par principe, et c’est Roma. Guibert utilise toutefois ce mot parfois pour Amiens, Angers, Jérusalem, Langres, Laon et Noyon (ou civitas beaucoup plus fréquemment, surtout pour Laon). Noter que si Urbs est normalement « la » ville, Roma, « civitas » est plutôt une métonymie qui définit, à la période classique, plus la citoyenneté, le droit de cité, et les gens qui en bénéficient, que la ville elle-même.Mais chez Guibert, ces 2 mots sont plus ou moins interchangeables, avec « Urbs » en préférence écrasante, puisque souvent « civitas » est une figure de style destinée à éviter la répétition de « urbs » (Ca s’appelle un anaphorique second).
Curieusement, certains termes
manquent ou ne sont pas rattachés à un lieu nommé explicitement :
- Locus : Traditionnellement utilisé pour des lieux consacrés
- Rus : qui est un équivalent de Villa
- Vicus.
Aparté : ce qui est
intéressant, c’est que l’on dispose aussi d’une chronique postérieure d’un
génération à celle de Guibert, au travers de la « Vita Ludovici Grossi
Regis » (La vie du roi Louis le Gros), rédigée par Suger (1080-1151),
permettant de séquencer à la fois l’évolution urbanistique et terminologique :
- Amiens y est alors "civitas Ambianensis"
- Et Laon, "civitas Laudunensis".
- Et les « nobles », c’est-à-dire les futurs membres de la noblesse (qui n’est pas encore une caste sociale au 12ème siècle), n'y sont pas nommés par un substantif, mais seulement encore par un qualificatif honorifique : « Nobiles civitatis », ou nobles citadins.
Curieusement, Guibert a volontairement dissimulé le nom de son
propre village de naissance en disant "Castellum" ou "Oppidum" mais sans
préciser le nom propre. On sait juste :
- Qu’il y a dans ce villages 2 églises "sub nomine sanctorum Leodegarii" (Léodagan = Léger) et "Machuti" (Machu, Maclou).
- Que ce village est à 2 lieux de Catenoy.
On ne sait pas si Guibert a dissimulé cette information pour ses contemporains (pour lesquels les éléments qu'il donne devaient pourtant être transparents), ou si il l'a dissimulé pour ... nous autres aujourd'hui. L’incertitude est intrigante, car même les autres petits villages évoqués ont un nom propre de la forme municipiae ou villae.
Guibert parle par ailleurs d’un de ses frères, qui était « eques et municeps Claromontis castri. » La traduction de municeps est incertaine : chevalier ou châtelain ? Sachant que pour châtelain, on a "dominum", qui passera le moyen âge ensuite, à la différence de « Municeps ».
On sait aussi que le bourg était « in paupere oppido », le seigneur n’y possédait par exemple qu’un seul cheval.
Mais les habitants en sont nommés "oppidani" ou "castrenses" et non plus "rustici" (paysans).
Cela dénote sans ambiguïté le démarrage dans la conscience des contemporains du phénomène d’urbanisation.
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