Après toutes ces années passées à enseigner la physique à ces chères têtes blondes, comment leur dire qu'on est perdu à présent ? Comment leur dire qu'on ne sait plus expliquer le monde qui tournoit et poudroit au dessus de nos têtes ? Peut-être en leur expliquant comment tout est arrivé ?
On avait cette belle dynamique de Newton et cette belle loi de la gravitation depuis 1687, trop vite taxée d'universelle par une sorte d'anthropisme coupable. Mais que connaissait-on des tenants et aboutissants (voir l'article de N'autre monde) de cette loi ? A peu près rien. La gravitation existe. Deux masses s'attirent proportionnellement à leurs masses et en raison inverse de leur distance au carré. Mais personne n'en sait plus. Personne ne sait pourquoi. On a bien cherché la particule d'échange qui permettrait de réunir au sein d'une même théorie du "tout" les quatre forces de la nature. On l'a même baptisée "graviton" et cru plusieurs fois la démasquer. Mais quand bien même on aurait découvert ce gluon d'échange, est-ce que notre connaissance profonde de l'Univers aurait changé ?
En tout cas, il ne permettrait sans doute pas d'expliquer ce que l'on sait depuis bientôt 50 ans grâce aux observations de l'astronome Véra Rubin. Pourquoi les astres au bout des queues des galaxies spirales tournent-elles toutes à la même vitesse angulaire autour du noyau galactique, ce qui semble contredire les lois de Newton basées sur le mouvement des planètes autour du Soleil. Dans notre système solaire, plus une planète est loin du Soleil, moins elle tourne vite autour... Pour ne pas contredire le grand maître, Véra Rubin proposa la première l'hypothèse de l'existence d'une matière cachée, non visible, qui entrainerait avec elle l'ensemble de la galaxie comme une boule dont on ne verrait finalement que la tranche médiane en forme de spirale lumineuse... Ceci obligeait déjà à abandonner 80% de la matière à l'inconnu.
Puis on a cherché à mesurer l'expansion de l'Univers. On sait depuis longtemps que les galaxies s'éloignent les unes des autres comme les taches sur un ballon de baudruche que l'on gonflerait (c'est même l'un des piliers de la théorie du Big Bang). Mais on cherchait à mesurer l'évolution de cette expansion pour en déduire l'effet de ralentissement dû à la gravitation "universelle". Qu'a t-on découvert en 1998 ? Que l'expansion continuait inexorablement de s'accélérer... Seule explication possible, piteuse : une autre énergie, inconnue, est à l’œuvre dans l'Univers. Et comme l'énergie et la matière sont les deux faces de la même pièce depuis Einstein, voilà que la matière connue abandonne à nouveau du terrain, ce nouvel acteur occupant près de 70% par rapport aux deux premières...
Une seule chose est sûre, on sait à présent à quel point on ne sait pas... Conformément à la description que faisait de la connaissance mon tout premier professeur de physique, au collège : la science est comme un vaste château sans circonférence, dans lequel chaque porte ouvre sur une salle plus vaste que la précédente.
To know more
Moi je trouve ca plutôt encourageant pour les profs :
RépondreSupprimerCe serait sérieusement lassant d'enseigner un sujet dont on a fait complètement et définitivement le tour ...
Oui. Sauf que c'est à des années lumière de ce que l'on est autorisé à leur enseigner... Mais personnellement j'aime bien leur en parler, à la fin de leur cursus secondaire.
RépondreSupprimer